Eun-Ja Kang est arrivée en France en 1989, à Lyon, pour effectuer une maîtrise de Lettres Modernes françaises et une autre de Langue, littérature et civilisation françaises, ainsi qu’un doctorat de littérature française et comparée. En 2002 à Dijon, elle soutient sa thèse intitulée La Négation du monde réel : du désir à la perversion chez André Breton et Yi Sang.
Malgré un choc linguistique et culturel les premiers jours d’arrivée, elle obtient son doctorat en littérature française et comparée. Son adaptation à l’écoute et à l’oral est vécue plus difficilement, alors que ses connaissances grammaticales, littéraires et linguistiques sont très solides. Elle se passionne pour la littérature française, notamment pour l’univers de Stendhal qui la pousse même à habiter vers les campagnes de Dijon, Grenoble puis Lyon. Elle emploie le français non pas pour faire polémique, mais par passion et par amour de la langue. Il ne s’agit pas d’un simple loisir mais d’une “expression écrite très travaillée et choisie”. Elle raconte que ce cheminement littéraire ardent a été fait “de larmes et de sang”.
Elle effectue de nombreux voyages entre la Corée et la France par passion et amour du voyage et des deux pays. Elle aime aussi les voyages lointains et longs, comme aller aux États-Unis avec sa famille par exemple, et partir à la découverte de nouveaux paysages, cultures et connaissances car elle dit que cela fait partie d’elle-même. Elle habite en France de 1989 aux années 2010, puis en Corée de 2019 à 2022, et vient tout récemment de revenir vivre en France en 2023.
Rappelons d’abord les moments qui ont déclenché sa passion pour la langue, la culture et la littérature françaises. Elle choisit de passer l’épreuve de français au baccalauréat plutôt que l’anglais, malgré un énorme décalage entre la grammaire et l’écrit qu’elle maîtrise, et l’oral ou le parlé qu’elle ne maîtrise pas encore à la fin de ses années de lycée. Après ses études à l’université de Séoul, elle décide de suivre ses rêves d’enfance et veut partir en France, en raison de son aisance en français qu’elle affirme plus avancé que ses connaissances en coréen qui s’arrêtent au lycée. Elle se considère alors plus française que coréenne au niveau de la maîtrise de l’écriture et de la littérature.
Elle décrit ce cheminement et cette passion dans les descriptions de son roman autobiographique, L’Étrangère. Son premier contact avec la littérature étrangère occidentale se déroule quand le compagnon de sa sœur Mi-Sun lui offre deux romans : « Deux livres étrangers traduits en coréen : Le Petit Prince de Saint-Exupéry et La Dernière Feuille d’O. Henry ».
À peine âgée de douze ans, elle se plonge dans les romans classiques français et anglais :
En effet, depuis que je suis au collège, je dévore, pêle-mêle et sans comprendre parfois ce que je lis, les livres emmagasinés à la bibliothèque de mon établissement, des nouvelles de Guy de Maupassant aux Aventures de Sherlock Holmes d’Arthur Conan Doyle, des nouvelles d’Alphonse Daudet aux Hauts de Hurlevent d’Emily Brontë.
L’Etrangère, p.136
Elle poursuit sa découverte de la littérature française à l’université. Elle étudie à la fois la langue et la littérature françaises en développant une forme d’obsession pour les deux domaines. Par exemple, elle se prend d’amour pour le mode du subjonctif qui est omniprésent dans le roman Le Rouge et Le Noir de Stendhal. Elle tombe aussi amoureuse de l’écriture de Stendhal qu’elle lit vigoureusement :
Je ne dors plus que trois à quatre heures par nuit, tant le français me tient en éveil et tant Le Rouge et Le Noir me passionne. Je consacre toutes mes heures libres à la lecture du roman de Stendhal. Le week-end, je passe quatorze heures avec Julien Sorel. Je ne sais plus si je lis le livre, ou si je le vis.
L’Etrangère, p.217
En effet, pendant qu’elle est étudiante au département des langues à l’université de Chung-Ang à Séoul, Eun-Ja Kang se nourrit de ses lectures d’écrivains français classiques et de ses cours de français qui sont pourtant très difficiles. Elle finit même par se lancer le défi de maîtriser cette langue grammaticalement complexe :
Ciel ! Je voudrais que mon professeur continue encore des heures et des heures à m’emmener dans la profondeur de cette langue qui ne m’est déjà plus tout à fait étrangère. Je voudrais m’avancer toujours plus loin pour pénétrer ses mystères, quitte à m’y perdre définitivement. M’y perdre ? Non, au contraire. Je trouverai dans sa profondeur ce que je cherche. Ce que tu cherches ? Qu’est-ce que tu cherches ? Je ne sais pas. En tout cas, je sens que c’est dans le français que je le trouverai.
L’Etrangère, p.147
Ainsi, Eun-Ja Kang n’a pas peur de se perdre dans les difficultés de l’apprentissage du français. Elle finit, dans le récit et dans sa vraie vie, par réaliser ses rêves d’enfance en devenant la première écrivaine d’origine coréenne à écrire et à publier exclusivement en langue française. Elle est aujourd’hui de plus en plus reconnue dans le monde francophone, même si elle conserve toujours sa voix et sa plume coréennes, dans ses thèmes et dans son univers.
Son dernier roman publié en 2023 intitulé Avertissements échelonnés mélange à la fois une écriture en langue française très travaillée, et des récits qui se passent en Corée, en France, au large du Japon, en Chine, aux États-Unis et dans bien d’autres espaces. Roman réaliste, audacieux et original, elle y raconte l’histoire de la propagation du coronavirus pendant l’année 2020 : à découvrir absolument !
wonderful review of the love of literature: when a Korean writer is expressing her passion for another culture writers and point of view. It is not only showing us how the world can be small but mainly how art, literature and many other cultural tools are being used to create bridges between cultures.
I simply love how fantastic this is for avid readers.
Thanks for sharing your thoughts and insights.
Bibicoco