Chroniques Styles & Cie

Pourquoi l’eau de mer est salée, et autres contes de Corée

Que sont les contes sinon de jolies réponses d'adultes à des questions d'enfants ?

Comme le mythe, l’épopée et la légende, le conte est un genre littéraire issu de la tradition orale. Ce sont de courts récits de fiction, véhiculés depuis des générations, et profondément inscrits dans notre imaginaire collectif. Chaque culture, chaque pays, possède son lot de contes. Racontés aux enfants comme aux adultes, ils mettent généralement en scène des animaux et des personnages caricaturaux dans des univers eux-mêmes topiques. Ce sont des histoires dans lesquelles le réel est déformé et où les qualités et défauts des hommes sont exacerbés dans un but moralisateur. Parmi les contes les plus connus en France figurent les contes merveilleux de Charles Perrault au XVIIesiècle, tels que La Belle au bois dormant et Le Petit chaperon rouge ; mais également les contes philosophiques de Voltaire, au XVIIIesiècle, tels que Candide ou Zadig ; ou encore les contes fantastiques de Maupassant, au XIXesiècle, tels que Le Horla ou La Main.

Régulièrement traduits, les contes sont des objets pédagogiques très appréciés des professeurs de littérature à travers le monde. Ils sont généralement écrits dans une langue très simple et offrent une vision riche et condensée de la culture populaire d’un pays. Pour cette même raison, ils intéressent aussi les lecteurs voyageurs que nous sommes. Cherchant toujours à mieux connaître la Corée, nous nous sommes intéressés ce mois-ci aux contes coréens. Il existe aujourd’hui en France de nombreux recueils de contes coréens chez Imago, chez Piquier, ou encore chez Gallimard. Le recueil Pourquoi l’eau de mer est salée, paru en novembre dernier dans la collection Folio3€, a particulièrement attiré notre attention. C’est une sélection de 16 contes extrait du précédent ouvrage Gallimard intitulé Tigre et kaki et autres contes de Corée. Il mélange des contes absolument incontournables de la culture coréenne tel que « Frères et sœur devenus soleil et lune » et d’autres contes moins connus tels que « Légende du Lotus » ou « Les bambous qui saignent ».

Le lecteur français qui les découvre pour la première fois aura le droit à de merveilleuses surprises. Ce recueil est le théâtre de rencontres culturelles que l’on n’attend pas : en parallèle de quelques contes originaux, le lecteur pourra noter des similitudes entre certains contes coréens et certaines histoires européennes tels que « Le Roi grenouille » et « Le Loup et les sept chevreaux » des frères Grimm ou bien « Le Corbeau et le Renard » de Jean de la Fontaine. On retrouve dans ces histoires les mêmes renversements carnavalesques grâce auxquels les enfants apprennent à ne pas ouvrir la porte à des inconnus et les adultes à ne pas être cupides. Seulement, en Corée, les loups sont remplacés par des tigres aussi cruels que stupides et les corbeaux orgueilleux laissent place à des singes. Il est très amusant de remarquer ces différences et similarités au fil de l’œuvre et de constater que malgré la distance et les écarts culturels, les hommes restent fondamentalement les mêmes où qu’ils soient. Encore plus que les romans et les poèmes, les contes voyagent, au point de devenir des objets hybrides et interculturels dont on oublie parfois l’origine. Ainsi, le conte intitulé « Démon embouteillé à Mokp’o » rappellera étrangement l’« Histoire du pêcheur » des Mille et une nuits.

Ce recueil offre au lecteur français un nouveau regard sur le monde. Il l’invite à reconsidérer les petites choses insignifiantes de son quotidien à travers le prisme de la culture coréenne. Les contes coréens, souvent fantasques, rhabillent le monde en couleur : en alliant tragique et comique, ils racontent pourquoi les grenouilles croassent, pourquoi le chat dort dans la maison et le chien dehors, et pourquoi les vers produisent de la soie.

Bien que ce recueil bénéficie du charme de ces récits millénaires, notons qu’il possède quelques petits défauts. Premièrement, il ne présente aucun fil rouge : les contes se succèdent sans véritablement se répondre. En résulte une lecture fractionnée qui empêche le lecteur de profiter du pittoresque des contes coréens. Une lecture thématique centrée autour du thème de l’eau, présent dès le titre, aurait par exemple été la bienvenue ; cela aurait donné à l’œuvre une véritable identité. Deuxièmement, ce micro-livre s’adresse principalement à un public non-coréanologue. C’est un livre-échantillon qui reprend de manière catalogue des contes déjà parus : les contes ne sont pas introduits et les mots coréens romanisés, principalement des onomatopées et des noms propres, ne sont pas commentés.

Néanmoins, il est peu cher et très pratique. C’est une bonne alternative aux gros recueils habituels si tant est qu’on ne soit pas trop exigeant. Il est idéal pour un petit voyage en train, pour ceux qui ne sont pas encore familier avec la Corée, ou pour ceux qui ne sont pas encore certains d’aimer les contes. En résumé, si vous voulez découvrir la Corée sans vous prendre la tête, que vous avez envie de rire mais que vous n’avez pas beaucoup de temps devant vous et si vous voulez découvrir pourquoi l’eau de la mer est salée, n’hésitez pas à faire un tour en librairie, ce micro-livre vous attend.


Pourquoi l’eau de mer est salée et autres contes de Corée
Traduit du coréen par Maurice Coyaud et Jin-Mieung Li
Gallimard, collection « Folio 3€ »

A propos

Ancienne étudiante en Lettres Modernes, spécialisée en littérature comparée, j’étudie et je mets en perspective la littérature française et la littérature coréenne à travers des thèmes qui me passionnent comme le voyage, la mémoire et l’interculturalité. Je suis également une grande amatrice de cinéma, et en particulier de cinéma coréen.