Chroniques Manhwa & Webcomics Memoria

Delusion, vol. 1

Peintre sans-le-sou sous l'occupation japonaise, Iho Yun est sollicité pour peindre le portrait de l'énigmatique Madame Song.

Même si ce nom vous est probablement inconnu, Hongjacga est un auteur coréen prolifique qui compte à son actif une quinzaine d’œuvres dont certaines toujours en cours à ce jour (dont Dr. Brain aux éditions KBOOKS). D’abord intéressé par le Daeheum, instrument traditionnel coréen, il s’est ensuite tourné vers le dessin et le graphisme. Directeur artistique puis character designer mais aussi auteur de manwha, son intérêt se porte aujourd’hui vers les webtoons. 

Cette dualité entre le papier et le digital se ressent particulièrement dans Delusion (현혹- Hyeonhog), webtoon édité pour la première fois en France en 2024 par Albin Michel dans leur collection Koda. Grace à une identité graphique ambivalente, qui lui permet d’exprimer aussi bien la douceur sensuelle que l’extrême violence, cette œuvre s’impose comme une histoire énigmatique à la croisée des genres. 

En 1935, lors de l’occupation du pays par les Japonais, Iho Yun, peintre sans-le-sou, se voit offrir l’opportunité de peindre le portrait de Madame Song, riche et mystérieuse propriétaire d’un hôtel de la capitale. Connue sous le surnom de “Marisa”, elle y vit isolée du reste de la société depuis plusieurs décennies. Logé et nourri en échange de son œuvre, le peintre accepte la proposition mais, à sa grande surprise, lorsqu’il arrive sur place pour la rencontrer, il se retrouve face à une jeune femme. Fasciné par sa beauté éclatante et son passé mystérieux, Iho commence à la peindre. Pourtant, la nuit, il croit voir des silhouettes se déplacer mystérieusement dans l’hôtel et entend des bruits étranges. L’atmosphère devient de jour en jour un peu plus pesante, et les portes de sortie se ferment les unes après les autres. Le peintre se sent pris au piège. Que cache alors en vérité la requête de Madame Song ? Serait-il déjà trop tard pour Iho ? 

Le récit de Hongjacga, dont le scénario et l’esthétique sont empreints d’influences du roman gothique avec des références explicites à Dracula de Bram Stoker ou encore au Portrait de Dorian Gray d’Oscar Wilde, opère un renversement intéressant des attentes de ce genre littéraire. Tout en poursuivant dans cette lignée et en développant une histoire mêlant mystère, romantisme et horreur dans une atmosphère inquiétante, lugubre et surnaturelle, l’auteur renverse l’archétype de ce genre en plaçant son récit au cœur de l’histoire coloniale de l’Asie du Sud-Est entre la fin du XIXème et le début du XXème siècle. 

Le découpage de l’œuvre permet de mettre en avant un style graphique au service de son récit et de jouer avec les appréhensions du lecteur tout en mettant en avant une palette graphique aux tons assez froids et sombres. Ainsi, les quelques planches utilisant des couleurs vives marquent d’autant plus le lecteur et permettent à l’auteur la mise en avant d’éléments scénaristiques clés. L’immersion dans le récit à travers les souvenirs de Madame Song, personnage sensuel et qui brave les interdits, plonge le lecteur dans une enquête où la vérité fait toujours défaut et la fascination malsaine obscurcit la raison.  

Avec un début de récit plus que prometteur, nous ne pouvons qu’attendre avec impatience le tome suivant (second d’une trilogie), qui paraîtra le 5 mars. Déjà une œuvre à succès en Corée du Sud, Delusion va également être adapté pour le petit écran par le réalisateur Han Jae Rim. Le tournage de la série devrait commencer en 2026 avec dans les rôles titres l’ex-idol et actrice Bae Suzy et l’acteur Kim Seon Ho.


Delusion, vol. 1
HONGJACGA
Traduit du coréen par Valentin Comoy
KODA (Albin Michel), 17,90€

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