
Moon, contrairement à son prénom, est une petite fille solaire, respectueuse et aventurière. Habitante de l’île de Sanga, elle vit chez Madame la sous-préfète et sa fille Jonghwa depuis le décès de ses parents. Un jour, en rentrant du marché, Moon aperçoit une silhouette étendue sur la plage. Voulant aider ce qu’elle pense être une baleine échouée à regagner la mer, la fillette s’approche mais tombe nez à nez avec un triton ! Elle recueille alors la créature grièvement blessée, la nourrit et lui fait découvrir son monde. Quand Moon apprend qu’Iro est poursuivi par des chasseurs, elle décide de protéger son nouvel ami coûte que coûte.
Si Iro nous rappelle immanquablement la Petite Sirène de Disney avec sa queue verte et sa longue chevelure rousse, son duo avec Moon peut également faire penser à la paire Ponyo-Sôsuké du film Ponyo sur la falaise de Hayao Miyazaki. En effet, comparer ce manhwa avec les films du studio Ghibli est très tentant. Tout d’abord, les dessins de Wonsanji se rapprochent du style du grand maître de l’animation japonaise : les traits sont simples, les visages arrondis et expressifs, et la nature a une place importante. Les thèmes abordés sont également similaires : l’enfance, l’entraide et l’amitié, la nature et la technologie, mais aussi l’importance de la nourriture.
Moon et Iro peut donner l’impression que deux mondes s’opposent de façon manichéenne : celui des enfants, joyeux et merveilleux, et celui des adultes, capitaliste et destructeur. Cette division passe notamment par le choix des couleurs. Les vignettes centrées sur les enfants sont colorées, avec une prédominance de vert et de bleu. A contrario, celles sur les adultes sont plus ternes, dominées par des déclinaisons de marron. Cette quasi-absence de couleur souligne la tension qui règne dans la trame narrative des adultes et la course au profit qui les motive. En effet, un groupe de chasseurs est chargé de capturer le triton. À l’instar de Retour à Samdal-ri, où il était question de construire un parc à thème pour redynamiser l’île de Jeju, l’objectif ici est d’attirer des touristes et des investissements sur l’île. Cette fragmentation enfants/adultes est aussi visible dans les tenues des personnages. Tandis que les premiers sont vêtus d’hanbok, les seconds portent des habits plus modernes. L’histoire se déroule très probablement au XXème siècle, une période où tradition et modernité se côtoyaient fortement. Voyons donc en ces choix vestimentaires une critique de la modernité destructrice.

Toutefois, Wonsanji ne se contente pas de faire une division purement manichéenne. Ainsi, la bonté ne se situe pas uniquement du côté des enfants puisque les villageois se montrent aussi très solidaires et bienveillants avec Moon et Madame la sous-préfète. Les chasseurs et entrepreneurs sont également représentés dans des moments plus légers, voire amusants.
Iro, émerveillé par les nouveautés de la surface, est quant à lui une invitation à (re)découvrir la culture coréenne. Cela passe tout particulièrement par le rôle central de la nourriture. Moon ne cesse d’offrir des gâteaux de riz et autres gourmandises au jeune triton. D’ailleurs, quelques planches sont consacrées à la confection de biscuits traditionnels au miel. Il en va de même pour les villageois qui, apprenant que Madame la sous-préfète est malade, ont comme premier réflexe de lui offrir de la nourriture. Même les chasseurs ne résistent pas à l’appel d’un bon repas. Iro est également séduit par la faune, la flore et les paysages diversifiés de l’île. Ainsi, il verra la mer de l’extérieur, découvrira la cacophonie du marché et la splendeur du hanok dans lequel vit Moon. Sa curiosité sur ce nouveau monde semble inassouvissable :
« Pourquoi vous, les humains, vous venez toujours dans les profondeurs des mers alors que vous ne pouvez même pas respirer sous l’eau ? […] Et pourquoi vous attrapez autant de poissons à la fois ? » (p. 77)
En somme, Moon et Iro est un manhwa qui colle parfaitement avec l’arrivée des beaux jours. Sa lecture est légère et fait du bien. Wonsanji a façonné des personnages attachants et a trouvé un juste équilibre entre innocence et tension. Le cliffhanger de la fin du tome 1 inquiète : Moon réussira-t-elle à protéger Iro ? Pour le savoir, nous avons hâte de dévorer le tome 2 dont la parution est prévue le 23 avril.
Moon et Iro, tome 1
Wonsanji
Traduction de Laïla Sarah Kezzi
Éditions Milan, collection Yam Yam
224 pages, 14,95€
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