Hiver 1597. Les troupes des Ming débarquent en Corée ; la Chine vole au secours de sa « petite sœur » agonisant aux mains des troupes japonaises revenues en force. Après une première vague d’attaques et de ravages de 1592 à 1593, les Japonais peinent à parfaire leur sauvage conquête. Quoique massivement détruits et désertés, les villages fantomatiques de la Corée rurale semblent protégés par l’ombre des grands amiraux chinois et coréens au point d’attaque. Au grand dam de Toyotomi Hideyoshi, tandis que les troupes japonaises saisies par le froid s’affaiblissent dans leurs places fortes, les Chinois s’allient à l’hiver et aux derniers grands bastions de résistance coréens, la flotte de Yi Sun-shin (이순신) et l’armée vertueuse de Gwak Jae-u (곽재우), pour mener une grande guerre de reconquête.
« La jeune femme aussi pleine de compassion qu’elle l’avait été ne semblait plus régie que par la colère. Cette colère, elle ne savait plus contre qui la porter. Tout était si infâme dans ce pays à feu et à sang. Elle détestait les guerriers japonais qui avaient fait tant de massacres. Elle détestait les habitants du Joseon qui l’avaient si mal traitée. Elle détestait les soldats ming qui avaient laissé pourrir les corps civils plutôt que de les enterrer. »
Alors que les combats explosent, Ha-neul se remet doucement de ses blessures. Après avoir échappée aux griffes du général Konishi Hayato et à celles d’un tigre, elle quitte Namwon en compagnie des troupes du général Ma Gui (麻贵) qui l’entrainent à nouveau vers la guerre. Dès l’ouverture du roman, l’héroïne apparait métamorphosée ; plus proche du soldat que de l’étudiante qu’elle a été, elle semble sur le point de tout abandonner, de renoncer à son ancienne vie et à ses amis, mais ses souvenirs, revenant par brides, la hantent autant que les victimes et les morts dont elle a été témoin. Impuissant, le lecteur assiste à sa lutte intérieure dans laquelle se dessine en filigrane la grande révolte du peuple coréen.
« Une rumeur courait parmi les fantassins, disant que les Japonais détalaient comme des lapins. Pourtant, où qu’elles parviennent, les troupes ming ne trouvaient que désolation. Ha-neul avait fini d’éprouver de la tristesse et de la pitié. Le passé de ses contemporains était désormais son présent. Face à tant d’atrocité, elle n’avait qu’une option, développer une carapace impénétrable. Alors que les ronflements montaient au-dessus du camp, la jeune femme ferma les yeux. Elle écouta le bruit de la vie que faisaient les ancêtres. Petit à petit, bercée par le chant des aïeux, elle se souvint. »
Reprenant le cours des livres précédents, ce troisième et dernier tome du Cycle d’Imjin met en perspective la petite et la grande histoire. Hélène Casado alterne entre les scènes de champs de batailles, qui offrent un aperçu des différentes stratégies militaires chinoises, japonaises et coréennes, et les scènes de course-poursuite entre amis, amants et ennemis. C’est un nouveau roman chorale qui met en avant une grande diversité de personnages : esprits, samouraï, esclaves, musiciens, ou encore yangban. Chacun représente un aspect bien particulier de la Corée : en suivant In-saram dans le monde des esprits, le lecteur appréhende l’étendue de la culture spirituelle coréenne, il regarde la nature prendre vie et retrace les pensées d’une rivière, d’un oiseau ou d’un jangseung (장승) ; en escortant le jeune musicien japonais Motoei Tamei, il découvre le peuple de Tamna et ses célèbres chevaux ; en suivant le terrible Konishi Hayato, il découvre la pagode de pierre Yeongyang Samji-ri (영양 삼지리) datant de l’époque des Trois Royaumes.
« C’était un endroit calme, perdu dans les hauteurs de la montagne. Les arbres encerclaient le lieu comme une mère ses enfants. La délicatesse qui en ressortait ajoutait à la paix naturelle qui se dégageait de la forêt. Les chevaux traversèrent d’un vif galop la première porte aux colonnes rouges que surplombait un toit finement ouvragé.«
Avec ce troisième livre, le profil du public d’Hélène Casado se dessine et se confirme : l’autrice s’adresse évidemment aux adeptes de la Corée mais aussi et surtout aux férus d’histoire et de romans de fantasy. Les grandes scènes de guerres, les déambulations et les mésaventures des personnages rappellent l’épopée du Seigneur des Anneaux, et le travail de l’autrice, qui propose une nouvelle fois à la fin de son roman des cartes et des fiches de personnages détaillées, rappelle le travail de Tolkien.
Cependant, malgré ces points communs, force est de constater que les romans d’Hélène Casado sont plus condensés ; peut-être trop. Ils demandent une grande rigueur au lecteur qui doit se familiariser avec une très grande quantité de termes coréens, de noms et d’évènements qui s’enchainent de manière rapide et non linéaire. Le livre semble surtout assailli par ses personnages, notamment dans le monde des esprits, et souffre d’une forme de cacophonie qui contrarie la lecture. Le lecteur est souvent contraint de passer d’un personnage à l’autre ou d’une période à l’autre, ce qui ne facilite pas l’attachement émotionnel et engendre une grande frustration, surtout lorsque certaines informations sont laissées en suspens et que le destin des personnages demeurent incertains.
Malheureusement le Cycle d’Imjin est trop court, trop rapide. Il se termine abruptement, sur une fin ouverte qui donne l’impression au lecteur d’abandonner ses personnages-compagnons sur le bord du chemin. Symptomatique de notre attachement à cette série, la déception engendrée par la fin de ce Cycle est toutefois relativisée par les grandes émotions qu’il fait vivre et les images qu’il laisse en tête. On aimerait y rester plus longtemps, s’attarder un peu plus dans les forêt, les temples et les montagnes de Corée, mieux apprendre à connaitre ses personnages et en apprendre encore et toujours plus sur cette sombre mais importante période de l’Asie de l’Est. Une fois que l’on a lu Le Cycle d’Imjin, on ne peut pas l’oublier. C’est un livre qui comble un vide immense dans la littérature sur la Corée et qui mérite d’être lu et sûrement relu.
Le Cycle d’Imjin 3 : Notre cœur 우리 마음
Hélène Casado
Atelier des Cahiers, 288 pages, 17€
Hiver 1597. Les troupes des Ming débarquent en Corée ; la Chine vole au secours de sa « petite sœur » agonisant aux mains des troupes japonaises revenues en force. Après une première vague d’attaques et de ravages de 1592 à 1593, les Japonais peinent à parfaire leur sauvage conquête. Quoique massivement détruits et désertés, les villages fantomatiques de la Corée rurale semblent protégés par l’ombre des grands amiraux chinois et coréens au point d’attaque. Au grand dam de Toyotomi Hideyoshi, tandis que les troupes japonaises saisies par le froid s’affaiblissent dans leurs places fortes, les Chinois s’allient à l’hiver et aux derniers grands bastions de résistance coréens, la flotte de Yi Sun-shin (이순신) et l’armée vertueuse de Gwak Jae-u (곽재우), pour mener une grande guerre de reconquête.
Alors que les combats explosent, Ha-neul se remet doucement de ses blessures. Après avoir échappée aux griffes du général Konishi Hayato et à celles d’un tigre, elle quitte Namwon en compagnie des troupes du général Ma Gui (麻贵) qui l’entrainent à nouveau vers la guerre. Dès l’ouverture du roman, l’héroïne apparait métamorphosée ; plus proche du soldat que de l’étudiante qu’elle a été, elle semble sur le point de tout abandonner, de renoncer à son ancienne vie et à ses amis, mais ses souvenirs, revenant par brides, la hantent autant que les victimes et les morts dont elle a été témoin. Impuissant, le lecteur assiste à sa lutte intérieure dans laquelle se dessine en filigrane la grande révolte du peuple coréen.
Reprenant le cours des livres précédents, ce troisième et dernier tome du Cycle d’Imjin met en perspective la petite et la grande histoire. Hélène Casado alterne entre les scènes de champs de batailles, qui offrent un aperçu des différentes stratégies militaires chinoises, japonaises et coréennes, et les scènes de course-poursuite entre amis, amants et ennemis. C’est un nouveau roman chorale qui met en avant une grande diversité de personnages : esprits, samouraï, esclaves, musiciens, ou encore yangban. Chacun représente un aspect bien particulier de la Corée : en suivant In-saram dans le monde des esprits, le lecteur appréhende l’étendue de la culture spirituelle coréenne, il regarde la nature prendre vie et retrace les pensées d’une rivière, d’un oiseau ou d’un jangseung (장승) ; en escortant le jeune musicien japonais Motoei Tamei, il découvre le peuple de Tamna et ses célèbres chevaux ; en suivant le terrible Konishi Hayato, il découvre la pagode de pierre Yeongyang Samji-ri (영양 삼지리) datant de l’époque des Trois Royaumes.
Avec ce troisième livre, le profil du public d’Hélène Casado se dessine et se confirme : l’autrice s’adresse évidemment aux adeptes de la Corée mais aussi et surtout aux férus d’histoire et de romans de fantasy. Les grandes scènes de guerres, les déambulations et les mésaventures des personnages rappellent l’épopée du Seigneur des Anneaux, et le travail de l’autrice, qui propose une nouvelle fois à la fin de son roman des cartes et des fiches de personnages détaillées, rappelle le travail de Tolkien.
Cependant, malgré ces points communs, force est de constater que les romans d’Hélène Casado sont plus condensés ; peut-être trop. Ils demandent une grande rigueur au lecteur qui doit se familiariser avec une très grande quantité de termes coréens, de noms et d’évènements qui s’enchainent de manière rapide et non linéaire. Le livre semble surtout assailli par ses personnages, notamment dans le monde des esprits, et souffre d’une forme de cacophonie qui contrarie la lecture. Le lecteur est souvent contraint de passer d’un personnage à l’autre ou d’une période à l’autre, ce qui ne facilite pas l’attachement émotionnel et engendre une grande frustration, surtout lorsque certaines informations sont laissées en suspens et que le destin des personnages demeurent incertains.
Malheureusement le Cycle d’Imjin est trop court, trop rapide. Il se termine abruptement, sur une fin ouverte qui donne l’impression au lecteur d’abandonner ses personnages-compagnons sur le bord du chemin. Symptomatique de notre attachement à cette série, la déception engendrée par la fin de ce Cycle est toutefois relativisée par les grandes émotions qu’il fait vivre et les images qu’il laisse en tête. On aimerait y rester plus longtemps, s’attarder un peu plus dans les forêt, les temples et les montagnes de Corée, mieux apprendre à connaitre ses personnages et en apprendre encore et toujours plus sur cette sombre mais importante période de l’Asie de l’Est. Une fois que l’on a lu Le Cycle d’Imjin, on ne peut pas l’oublier. C’est un livre qui comble un vide immense dans la littérature sur la Corée et qui mérite d’être lu et sûrement relu.
Le Cycle d’Imjin 3 : Notre cœur 우리 마음
Hélène Casado
Atelier des Cahiers, 288 pages, 17€