Dans un ample format à l’italienne qui facilite le déploiement expressif de l’image, le nouvel album de Lee Gee-eun publié aux éditions Les Fourmis rouges, nous invite à découvrir le petit peuple des Chamalloux discipliné et industrieux, qui s’active à la cueillette d’un beau fruit jaune bien appétissant avant de s’en retourner dans des maisonnettes-champignons pour une nuit de sommeil sans cauchemars.
Petites silhouettes blanches et rondes, simplement coiffées d’un chapeau noir et pointu, les Chamalloux, renommés ainsi dans le titre français, ressemblent en effet à de gros bonbons de guimauve, qui se déplacent en file indienne, comme les perles d’un collier, avec quelques plus grands, quelques plus ronds, et le dessin de Lee Gee-eun est si éloquent que l’aventure se passerait de texte.
Oui mais voilà qu’un rugissement les surprend en plein travail ce matin-là ! L’introduction dessinée en quatre planches du cadre de vie et des habitudes de ces petites créatures dociles, est soudainement interrompue par une page de titre qui ouvre sur une planche où s’affiche un cri qui fait s’envoler les oiseaux tout autour des onomatopées qui le composent : « CHA-MAR-OD-AN-MI-AÏ-MI-AÏ » ! Au-dessus de la canopée déclinée dans un camaïeu de feuillages verts tendres et de troncs bruns pastel, les Chamalloux voient surgir une silhouette énorme, noire et poilue, qui brame à n’en plus finir son cri terrifiant. Qu’est donc cet être inconnu et d’apparence si terrible ? Que veut-il au petit peuple doux des Chamalloux ? L’effet de son apparition est tout à fait menaçant, et la panique laisse libre cours aux hypothèses les plus funestes !
Lee Gee-eun élargit alors les cases de son récit, pour gonfler de colère les rondes silhouettes, figurer leur agressivité grandissante, leur détermination : en effet, qu’imaginer d’autre qu’une attaque en règle pour se défendre d’un étranger à l’apparence d’un prédateur ? Il faut le neutraliser, le détruire, le brûler ! Seule, une petite voix s’élève pour proposer la négociation. Et pendant que les va-t-en-guerre s’agitent dans les doubles pages incendiées, le Chamalloux pacifiste s’en va parlementer…
Car bien sûr, la guerre n’est pas la solution, et la menace présumée est surtout un grand cri de détresse ! La peur est toujours mauvaise conseillère, nous rappelle l’autrice-illustratrice, et la discipline ne vaut que si elle reste raisonnable. Gardons-nous de toujours suivre le mouvement, exerçons notre esprit critique, et surtout ne condamnons pas avant d’avoir écouté. La belle leçon d’humanité de cet album (primé à la Foire de Bologne dans la catégorie BD jeunes lecteurs en 2021) est servie par la merveilleuse illustration à double sens de Lee Gee-eun dont on se rappelle les précédents albums tout aussi travaillés, tout aussi passionnants : Un fruit rougeet Le Tigre et le pissenlit. Une autrice-artiste qu’on aime.
Chamalloux LEE Gee-eun Traduit du coréen par LIM Yeong-hee Éditions Les Fourmis rouges, 2025 70 pages, 18,80 €
Chargement des commentaires…
Vous devez être connecté pour poster un commentaire.
Dans un ample format à l’italienne qui facilite le déploiement expressif de l’image, le nouvel album de Lee Gee-eun publié aux éditions Les Fourmis rouges, nous invite à découvrir le petit peuple des Chamalloux discipliné et industrieux, qui s’active à la cueillette d’un beau fruit jaune bien appétissant avant de s’en retourner dans des maisonnettes-champignons pour une nuit de sommeil sans cauchemars.
Petites silhouettes blanches et rondes, simplement coiffées d’un chapeau noir et pointu, les Chamalloux, renommés ainsi dans le titre français, ressemblent en effet à de gros bonbons de guimauve, qui se déplacent en file indienne, comme les perles d’un collier, avec quelques plus grands, quelques plus ronds, et le dessin de Lee Gee-eun est si éloquent que l’aventure se passerait de texte.
Oui mais voilà qu’un rugissement les surprend en plein travail ce matin-là ! L’introduction dessinée en quatre planches du cadre de vie et des habitudes de ces petites créatures dociles, est soudainement interrompue par une page de titre qui ouvre sur une planche où s’affiche un cri qui fait s’envoler les oiseaux tout autour des onomatopées qui le composent : « CHA-MAR-OD-AN-MI-AÏ-MI-AÏ » ! Au-dessus de la canopée déclinée dans un camaïeu de feuillages verts tendres et de troncs bruns pastel, les Chamalloux voient surgir une silhouette énorme, noire et poilue, qui brame à n’en plus finir son cri terrifiant. Qu’est donc cet être inconnu et d’apparence si terrible ? Que veut-il au petit peuple doux des Chamalloux ? L’effet de son apparition est tout à fait menaçant, et la panique laisse libre cours aux hypothèses les plus funestes !
Lee Gee-eun élargit alors les cases de son récit, pour gonfler de colère les rondes silhouettes, figurer leur agressivité grandissante, leur détermination : en effet, qu’imaginer d’autre qu’une attaque en règle pour se défendre d’un étranger à l’apparence d’un prédateur ? Il faut le neutraliser, le détruire, le brûler ! Seule, une petite voix s’élève pour proposer la négociation. Et pendant que les va-t-en-guerre s’agitent dans les doubles pages incendiées, le Chamalloux pacifiste s’en va parlementer…
Car bien sûr, la guerre n’est pas la solution, et la menace présumée est surtout un grand cri de détresse ! La peur est toujours mauvaise conseillère, nous rappelle l’autrice-illustratrice, et la discipline ne vaut que si elle reste raisonnable. Gardons-nous de toujours suivre le mouvement, exerçons notre esprit critique, et surtout ne condamnons pas avant d’avoir écouté. La belle leçon d’humanité de cet album (primé à la Foire de Bologne dans la catégorie BD jeunes lecteurs en 2021) est servie par la merveilleuse illustration à double sens de Lee Gee-eun dont on se rappelle les précédents albums tout aussi travaillés, tout aussi passionnants : Un fruit rouge et Le Tigre et le pissenlit. Une autrice-artiste qu’on aime.
Chamalloux
LEE Gee-eun
Traduit du coréen par LIM Yeong-hee
Éditions Les Fourmis rouges, 2025
70 pages, 18,80 €