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KPop Demon Hunters

Dans ce nouveau phénomène Netflix, des idoles de K-pop sont concurrencées par un boys band démoniaque.

Bipa
Instrument à cordes coréen, similaire au luth.
Lightsticks
Bâtons de lumières agités durant les concerts.
Fansigns
Moments privilégiés de rencontre et de dédicace avec les idoles.
Ships
Couples fictifs imaginés par les fans.

Décidément, l’engouement autour de la Corée du Sud est une mine d’or pour Netflix. Après les films, K-dramas et dating shows à succès, la plateforme a récemment produit son premier film d’animation coréen, Juste l’espace entre nous. Peu après, le géant américain a dévoilé KPop Demon Hunters, fruit de son association avec le studio Sony Pictures Animation. Malgré un titre enfantin (peut-être même rebutant pour certains), le film a rapidement figuré dans le top Netflix international et a suscité l’engouement du public. Les raisons de ce succès ? Une animation dynamique, des chansons entraînantes et un humour bien rodé.

Le film se détache immédiatement de l’atmosphère lo-fi et poétique de Juste l’espace entre nous en affichant une cadence soutenue et une énergie débordante. Le titre explicite et l’intrigue assez simple rendent l’immersion dans l’univers très efficace : en une dizaine de minutes, les héroïnes, les antagonistes ainsi que les enjeux sont présentés. En plus d’être les membres du groupe de K-pop HUNTR/X, Rumi, Mira et Zoey sont également des chasseresses de démons. Afin d’éloigner définitivement cette menace, elles doivent se servir de leurs voix pour unir leurs fans et renforcer le honmoon, une barrière de protection. Alors qu’elles semblent sur le point de réussir, un démon nommé Jinu a une idée : monter un groupe de K-pop composé de démons afin de voler les âmes des fans de HUNTR/X. Bien qu’il soit moqué par ses pairs, Jinu sait qu’il peut compter sur l’ultime atout de sa bande : un physique parfait.

Le boys’ band Saja Boys. © Netflix.

L’intérêt principal du film réside dans sa volonté d’intégrer plusieurs aspects de l’industrie de la K-pop. Ainsi, le spectateur retrouvera (ou découvrira) tous les éléments singuliers à ce milieu : les lightsticks, les fansigns, les variety shows et même les ships. Et bien sûr, au cœur de cette expérience musicale à la coréenne, il y a également des chansons entraînantes et des chorégraphies millimétrées. 

Mais cela n’est plus un secret, derrière les paillettes se cache une facette beaucoup plus sombre que le film ne renie pas. La recherche constante de la perfection, quitte à se retrouver face à des idoles dénuées de défauts et donc de toute humanité, est directement dénoncée. Ainsi, les Saja Boys font fureur auprès des fans mais ne sont en réalité que des démons sans aucune personnalité (hormis Jinu). Les filles sont quant à elles constamment en train de refouler leurs insécurités, notamment Rumi. En tant que personnage principal, le film gravite autour d’elle et de sa capacité à s’accepter telle qu’elle est. 

Le film réussit à retranscrire ce que représente la K-pop pour certaines personnes : un refuge. Mais des fans peuvent tomber dans l’obsession, victime d’une industrie expérimentée et désireuse d’être le plus rentable possible. Ainsi, quand les démons performent la chanson « Your Idol », avec des paroles telles que « Keeping you in check, keeping you obsessed » (Te maintenir sous contrôle, te maintenir obsédé), ils absorbent littéralement les âmes de leurs fans. 

KPop Demon Hunters est similaire à l’excellent Sinners (réal. Ryan Coogler) sorti cette année sur plusieurs points. Mais les deux films sont surtout l’occasion pour des groupes de personnes de se (ré)approprier leur culture d’origine grâce à la musique. Ici, le film donne sa chance à toute une génération de Nord-Américains, enfants d’immigrés sud-coréens. Ainsi, on retrouve à la réalisation Maggie Kang, qui s’est à nouveau associée à Chris Appelhans (après Les Cinq Légendes), et au casting principal Arden Cho (Rumi), May Hong (Mira) et Ji-young Yoo (Zoey). Au final, le film se révèle comme une hybridation plutôt réussie entre la culture américaine et coréenne. En effet, le film se déroule bien dans un contexte coréen et mobilise des éléments de plus en plus familiers des Occidentaux : la nourriture (ramyeon, kimbap), des éléments traditionnels (comme le bipa, les hanboks et le tigre et le corbeau) ou encore des lieux spécifiques (comme les bains publics et les stations de métro). Mais la version originale est en anglais. D’ailleurs, certains mots en coréen sont introduits, à l’inverse des chansons de K-pop où ce sont des mots en anglais qui s’immiscent dans les paroles en coréen. La touche américaine est aussi présente dans le rythme, l’humour ou encore les interactions entre les personnages qui sont plus expressifs et moins dans la retenue.

KPop Demon Hunters est donc loin d’être un film 100 % made in Korea, mais c’est peut être là que réside sa force. Il devient notamment attractif pour des personnes non-familières à la K-pop ou à la culture coréenne. Pour accroître cette accessibilité, le film est doublé dans beaucoup de langues (dont le français et le coréen). Il peut également compter sur des acteurs connus au casting : Ahn Hyo-Seop (avec un joli clin d’œil à Business Proposal) mais aussi Lee Byung-hun (récemment vu dans Squid Game) prêtent leur voix en anglais et en coréen. Ce film reste avant tout un régal pour les amateurs de K-pop qui pourront s’amuser à déceler les inspirations des différents personnages et musiques.


KPop Demon Hunters
Réalisé par Maggie Kang et Chris Appelhans
Netflix, 2025

A propos

Titulaire d'une licence LLCER Trilangue Anglais-Coréen à l'Université Aix-Marseille, je suis actuellement en M1 d'Etudes Culturelles à l'Université Paul-Valéry. Passionnée par la littérature et le cinéma, les productions coréennes me permettent d'aimer et de comprendre chaque jour un peu plus ce pays.