On n’en finit pas de gloser sur le soft-power coréen, ses effets, ses miracles, au rang desquels les séries figurent à la première place. Il suffit de regarder les plateformes de diffusion pour que, algorithmes à la clé, apparaisse sur votre écran la profusion de dramas coréens. Il y en a pour tous les goûts et certains sont devenus des succès mondiaux, tel le mortifère Squid Game par exemple.
Inévitablement, les livres abondent, nous en avons déjà rendu compte dans Keulmadang. Avec ce nouvel ouvrage, Séries coréennes, nous sommes dans une autre perspective. Le chercheur et cinéaste Antoine Coppola poursuit son analyse de la production filmique de Corée du Sud et de Corée du Nord en rendant dialectique le rapport entre esthétique de l’image et histoire du film combinée à l’histoire de la période dans laquelle le film a été tourné. Ce livre publié par la sympathique et courageuse maison d’édition Sombres Rets propose au travers de séries pas très récentes, que l’auteur oppose à des films plus anciens comme Obaltan, de montrer non seulement la vitalité de la production coréenne mais aussi son extraordinaire capacité à divertir tout en développant une critique sociale de la Corée du Sud et de son capitalisme triomphant.
Peu de pays sont capables de maintenir cet équilibre, divertir et faire réfléchir, voire dénoncer. On pourra regretter que les films et séries choisis ne soient pas plus actuels ; tous les articles de cet ouvrage ont été publiés en revues, quand d’autres sont inédits. Le chercheur a besoin de temps pour mener à bien ses recherches que le souci d’actualité risque toujours de folkloriser. Le projet de livre est donné dès l’introduction : combiner l’esthétique de l’image, son histoire et son implication sociale dans une période historique donnée. Le lecteur se confrontera au difficile exercice consistant à regarder une image en combinant analyse du processus filmique, depuis la prise de vues, la photographie, le montage avec la signification même du film ou de la série. Ainsi par exemple, l’analyse du film Obaltan, œuvre indépassable dans l’histoire du cinéma coréen, est un excellent exemple de la capacité à combiner approche filmique et signification sociale. Antoine Coppola nous montre là tout l’art de ne pas se laisser faire par les images, à les inclure dans un univers de signes et de sens plus large. Si nous prenons l’exemple de la série Itaewon Class, et série phare pour toute une jeunesse, nous pourrons lire sous la plume du chercheur une critique qui ne mâche pas ses mots. Antoine Coppola associe à juste titre la tragédie survenue en 2022, 150 jeunes gens, principalement des jeunes filles, écrasés dans un mouvement de foule favorisé par l’urbanisme négligé du quartier, tout en démystifiant les attentes des personnages jeunes de la série tentant d’échapper à leur condition en créant leur propre entreprise, un restaurant, conférant au capitalisme et à la libre entreprise la qualité de sauveurs des itinéraires compromis.
La deuxième partie de l’ouvrage est consacrée à la production filmique de la Corée du Nord dont nous savons si peu de choses. Antoine Coppola est aussi le présentateur d’un DVD de 4 films nord-coréens, Regards sur le cinéma nord-coréen, certainement représentatif du cinéma pendant l’ère Kim Jong-il. On y découvre quatre films d’une grande beauté formelle et des thèmes pas si à la gloire du Grand Leader que ça… Le lecteur sera sans doute surpris de constater que la production nord-coréenne n’est pas aussi anecdotique que ce qu’il pourrait croire. Le cinéma a été placé au cœur de la culture (et de la propagande) pendant la période Kim Jong-il, ce qui ne signifie pas que la production était médiocre, en témoigne le Prix récolté au Festival tchèque de Karlovy Vary de 1972 pour le film The Flower Girl. Celui qui a la chance de voir ce DVD n’aura pas manqué – surprise dépassée – de remarquer la qualité de la production ne se privant pas d’une certaine critique sociale de la situation nord-coréenne. Coppola évite la satire facile et le stéréotype galopant en délivrant une analyse sans concession et un langage loin de la langue de bois, ce qui, avouons-le, est toujours aussi plaisant à lire qu’informatif. Amoureux du cinéma et des séries coréennes, précipitez-vous sur ce livre pour découvrir une facette unique de la critique filmique.
Séries coréennes, suivis de films classiques et films du Nord
Antoine Coppola
Sombres Rets, 2025, 18€
On n’en finit pas de gloser sur le soft-power coréen, ses effets, ses miracles, au rang desquels les séries figurent à la première place. Il suffit de regarder les plateformes de diffusion pour que, algorithmes à la clé, apparaisse sur votre écran la profusion de dramas coréens. Il y en a pour tous les goûts et certains sont devenus des succès mondiaux, tel le mortifère Squid Game par exemple.
Inévitablement, les livres abondent, nous en avons déjà rendu compte dans Keulmadang. Avec ce nouvel ouvrage, Séries coréennes, nous sommes dans une autre perspective. Le chercheur et cinéaste Antoine Coppola poursuit son analyse de la production filmique de Corée du Sud et de Corée du Nord en rendant dialectique le rapport entre esthétique de l’image et histoire du film combinée à l’histoire de la période dans laquelle le film a été tourné. Ce livre publié par la sympathique et courageuse maison d’édition Sombres Rets propose au travers de séries pas très récentes, que l’auteur oppose à des films plus anciens comme Obaltan, de montrer non seulement la vitalité de la production coréenne mais aussi son extraordinaire capacité à divertir tout en développant une critique sociale de la Corée du Sud et de son capitalisme triomphant.
Peu de pays sont capables de maintenir cet équilibre, divertir et faire réfléchir, voire dénoncer. On pourra regretter que les films et séries choisis ne soient pas plus actuels ; tous les articles de cet ouvrage ont été publiés en revues, quand d’autres sont inédits. Le chercheur a besoin de temps pour mener à bien ses recherches que le souci d’actualité risque toujours de folkloriser. Le projet de livre est donné dès l’introduction : combiner l’esthétique de l’image, son histoire et son implication sociale dans une période historique donnée. Le lecteur se confrontera au difficile exercice consistant à regarder une image en combinant analyse du processus filmique, depuis la prise de vues, la photographie, le montage avec la signification même du film ou de la série. Ainsi par exemple, l’analyse du film Obaltan, œuvre indépassable dans l’histoire du cinéma coréen, est un excellent exemple de la capacité à combiner approche filmique et signification sociale. Antoine Coppola nous montre là tout l’art de ne pas se laisser faire par les images, à les inclure dans un univers de signes et de sens plus large. Si nous prenons l’exemple de la série Itaewon Class, et série phare pour toute une jeunesse, nous pourrons lire sous la plume du chercheur une critique qui ne mâche pas ses mots. Antoine Coppola associe à juste titre la tragédie survenue en 2022, 150 jeunes gens, principalement des jeunes filles, écrasés dans un mouvement de foule favorisé par l’urbanisme négligé du quartier, tout en démystifiant les attentes des personnages jeunes de la série tentant d’échapper à leur condition en créant leur propre entreprise, un restaurant, conférant au capitalisme et à la libre entreprise la qualité de sauveurs des itinéraires compromis.
La deuxième partie de l’ouvrage est consacrée à la production filmique de la Corée du Nord dont nous savons si peu de choses. Antoine Coppola est aussi le présentateur d’un DVD de 4 films nord-coréens, Regards sur le cinéma nord-coréen, certainement représentatif du cinéma pendant l’ère Kim Jong-il. On y découvre quatre films d’une grande beauté formelle et des thèmes pas si à la gloire du Grand Leader que ça… Le lecteur sera sans doute surpris de constater que la production nord-coréenne n’est pas aussi anecdotique que ce qu’il pourrait croire. Le cinéma a été placé au cœur de la culture (et de la propagande) pendant la période Kim Jong-il, ce qui ne signifie pas que la production était médiocre, en témoigne le Prix récolté au Festival tchèque de Karlovy Vary de 1972 pour le film The Flower Girl. Celui qui a la chance de voir ce DVD n’aura pas manqué – surprise dépassée – de remarquer la qualité de la production ne se privant pas d’une certaine critique sociale de la situation nord-coréenne. Coppola évite la satire facile et le stéréotype galopant en délivrant une analyse sans concession et un langage loin de la langue de bois, ce qui, avouons-le, est toujours aussi plaisant à lire qu’informatif. Amoureux du cinéma et des séries coréennes, précipitez-vous sur ce livre pour découvrir une facette unique de la critique filmique.
Séries coréennes, suivis de films classiques et films du Nord
Antoine Coppola
Sombres Rets, 2025, 18€