Ce changement de paradigme ne supprima pas tout à fait les philosophies existantes formant l’ossature de la vie sociale en Corée. Confucianisme, chamanisme, taoïsme, christianisme, bouddhisme coexistent en un quasi-puzzle de la pensée qui anime l’esprit coréen, l’inscrit dans un espace et dans des modalités relationnelles. Même si le bouddhisme reprend de la vigueur en Corée, le catholicisme et surtout le protestantisme sont désormais, et sans doute, durablement bien implantés.
L’auteur, Han Hyung-mo, montre les conditions dans lesquelles le christianisme, en s’installant en Corée, a provoqué une image de Dieu dont les contours demeurent un sujet de discussion, d’interrogation. La question qui irrigue le livre est ainsi posée : Qu’en aurait-il été si le christianisme s’était installée en Asie, sans passer par l’étape préalable de la culture occidentale — l’auteur préférant dire culture grecque ? Cette question posée conduit à penser que les Coréens ont dû pour accepter le christianisme composer avec les religions et les philosophies en place dès le 1er siècle, et depuis les temps immémoriaux en ce qui concerne le chamanisme. Mais cette implantation du christianisme (il conviendrait de dire transplantation, en réalité) a nécessité pour les premiers convertis coréens de composer avec les religions en place. On se souvient par exemple du sort qui fut réservé à ce jeune prête qui brûla les tablettes funéraires des ancêtres, renonçant ainsi aux formes confucéennes de la piété filiale. Il fut sévèrement puni pour cet acte.
Si nous remarquons les caractéristiques du système de la pensée coréenne (que l’auteur détaille) nous observons combien elles semblent communes (l’origine du monde, par exemple) et comment le christianisme dut s’adapter pour survivre en Corée. On comprendra aisément que l’image de Dieu qui suivit fut une image instable, vacillant sous le mixage des religions et des philosophies en présence.
Prolongement d’un travail universitaire (une thèse de doctorat), cet ouvrage est dense, épais, documenté, et ne s’offre pas immédiatement, comme tout livre pour spécialistes. Mais une fois l’effort fourni, le lecteur qui s’intéresse au rapport entre les religions traditionnelles de Corée, en retirera un grand bénéfice. Cet ouvrage lui permettra de mieux saisir la mise en rapport conceptuelle et historique entre les religions d’Asie et la religion chrétienne.
DÉCONSTRUCTION D’UNE IMAGE DE JÉSUS : l’historicité et la Nature. Réflexion à l’horizon d’une confrontation Orient-Occident sur fond de postmodernité.
DE HAN HYUNG-MO
Éditions L’Harmattan, 420 pages, 32 €.