Un jour d’été, un jour caniculaire, les ours blancs sont accablés ; effondrés sur leurs banquettes de banquise, ils conversent mollement comme ces vacanciers découragés par la chaleur d’entreprendre rien.
Seule activité possible : plonger pour se rafraîchir.
Dans un camaïeu de bleus translucides, où la limite entre le ciel et la mer se dilue, Hyejin Go anime la scène, les quatre ours entament un ballet aquatique, enchaînant les figures et les acrobaties, impeccables et drôles. Les poissons participent, multiples touches colorées ; le mouvement parmi les algues ondulantes crée des illusions de feu d’artifice, jusqu’aux poissons qui s’envolent en figurant les bouquets. Tous s’amusent follement, jusqu’au moment où l’un des ours se détache du groupe et nage vers les profondeurs. Il se retrouve nez à nez avec une petite fille… qui le contemple de l’autre côté de l’aquarium !
Car la banquise est bien loin d’ici, la nature ne peut plus accueillir ses hôtes de toujours, et les hommes pour les protéger des avaries climatiques qu’ils ont eux-mêmes provoquées, les hébergent dans ces drôles de réserves … Les illustrations de HyeJin Go qui retrouve ici la figure de l’ours déjà mise en scène dans Il neige paru chez Philippe Picquier, n’ont pas besoin du texte; les mines et les postures, puis l’agilité, la légèreté dans l’eau de ses personnages suffisent à raconter l’histoire ; et la morale en est d’autant plus sévère. Dans ce décor si finement reproduit, jusqu’aux rochers découverts par la fonte des glaces, tout suggère la nature vraie, et tout n’est qu’artifice ; les ours sont très bien logés, contrairement à tant d’autres sinistrés, mais rien de tout ça n’est vrai ; et c’est la remarque de la petite fille qui assène le coup final : « Ils ne devraient pas être au Pôle Nord ? »
Cette fable écologique permet donc aux petits lecteurs de prendre conscience de cette « urgence climatique » qui menace la biodiversité, et l’efficacité des moyens utilisés par l’auteure permettra l’inscription d’une trace durable dans la conscience de tous. Une belle forme de militance, en accord avec le travail de l’éditeur Maison Eliza, qui réalise avec ce titre une de ses premières traductions.
UN JOUR D’ÉTÉ
HEYJIN GO
Maison Eliza, 36 pages, 15.90 €