Pour raconter l’histoire de Joon-so qui, comme le petit coquin de Jiburo, est contraint de passer ses vacances avec son grand-père, Yoon Joung-mi choisit d’évoquer le cadre naturel enchanteur des îles coréennes. Mais sur cette île paisible et loin de la grande ville, Joon-so s’ennuie. Yoon Joung-mi décline autour de lui, dans des tonalités douces et passées, un paysage un peu monotone aux yeux de l’enfant, répétitif, renforçant l’impression d’isolement avec la mer qui l’entoure et le retient. Seul le phare rouge semble tourné vers l’ailleurs. Devant la vieille maison traditionnelle avec son toit bleu, ses grandes portes de bois et de papier ouvertes pour laisser entrer la brise rafraîchissante, entre des murets de pierres sèches, tout se patine au contact de l’air marin et du vent, les poissons sèchent au soleil, mais Joon-so ne décolle pas un œil de son téléphone portable.
Yoon Joung-mi imagine alors d’entraîner l’enfant et les lecteur-trices à la découverte d’une grotte marine, pour déployer une palette multicolore et chatoyante ; elle arrête le temps sur une belle double page où la mer est si réelle que le lecteur voit les vaguelettes miroiter sous le soleil, les mouettes battre un coup d’aile pour s’élancer plus haut encore, quand apparaît la grotte, au creux d’un îlot rocheux. « Elle était immense, … bien plus impressionnante que les gratte-ciels » et Joon-so se lève enfin pour regarder glisser la barque à l’intérieur de l’ombre. Là, sous le pinceau magique de Yoon Joung-mi, la mer devient vert émeraude, et au-dessus d’elle se dressent des piliers ocres et dorés, comme les colonnes d’un temple antique, sculptés par les flots et le temps.
Lorsque la barque ressort de la grotte, Grand-Père a disparu mais avant d’être inquiet, Joon-so est secouru par des créatures tout à fait inattendues. L’aventure prend alors un tour fantastique comme dans les anciennes peintures sangsangdo, et Yoon Joung-mi fait flamboyer le ciel et la mer dans des tons de roses-orangés pendant que les fonds marins s’animent d’une vie trépidante, entre poissons multicolores et poulpes danseurs. Le petit garçon les traverse, ravi, à cheval sur le dos d’un daim enchanté coiffé d’une mouvante couronne d’algues. Plus tard Joon-so s’éveille dans les bras de son grand-père, quand le jour qui décline se pare de voiles irisées sous le pinceau agile et léger d’une coloriste inspirée.
Il faudra vraiment repartir en mer, ou relire encore et encore ce bel album qui nous fait rêver.
L’île de Grand-Père
YOON Joung-mi
Editions de L’Élan vert, juin 2021, 15€, 48 pages.