Hanseong, XVe siècle. Par une nuit claire, le corps d’une jeune femme est retrouvé. L’infirmière appelée à confirmer le décès est immédiatement renvoyée sans avoir pu examiner la défunte : le ministère de l’Armée s’est déjà empressé de classer l’affaire en un suicide. A-ran, légiste et sage-femme travaillant pour la préfecture, trouve vite suspicieux que le ministère de l’Armée s’intéresse au décès d’une veuve sans famille.
Habituée à bafouer l’autorité au grand damne de son père, le préfet, A-ran exhume secrètement le cadavre de nuit pour l’autopsier. Celui qui a conclu à un suicide n’a visiblement pas daigné examiner correctement le corps : aux yeux d’A-ran, il est clair qu’il s’agit d’un cas de strangulation. Elle découvre qui plus est que la victime était enceinte. Prêtant une oreille attentive aux rumeurs, il n’est pas difficile de remonter jusqu’à un potentiel coupable, mais l’affaire se complexifie : « L’homme qui aurait tué la veuve est en train de mourir après avoir été poignardé la nuit dernière. » (p.53).
Les problèmes sont loin d’être terminés puisqu’A-ran est appelée sur une autre affaire : six corps ont été retrouvés dans une grotte après un incendie… Le jeune femme sera assistée dans sa tâche par Han Seok, secrétaire général ni respectable ni assidu, et Kim Yoon-o, fonctionnaire de classe moyenne récemment nommé inspecteur, qui est aussi le fils caché du défunt roi Taejong.
A-ran possède l’agilité et l’intrépidité d’une héroïne de sageuk, ces dramas et films dont l’action se situe sous Joseon ou avant. Femme de sang noble, elle est critiquée pour occuper un métier de « sous-classe » ; et également trop lettrée pour son métier, ses supérieurs voient d’un mauvais œil le fait qu’une femme soit capable d’accomplir un meilleur travail qu’eux. Qui plus est, ses relations familiales sont plus que complexes, voire complètement mensongères. L’une des seules personnes à qui elle peut faire confiance est Ahn Yul, son ami d’enfance, dont le père a injustement été accusé de viol et de meurtre des années auparavant. Peu à peu, nous en apprenons davantage sur les réelles motivations d’A-ran à être devenue légiste.
Par une nuit claire est une lecture plaisante. Les descriptions d’autopsie sont fascinantes : il est intéressant de voir les procédés mis-en-place à l’époque pour identifier les causes de la mort. Mais ce qu’on pourrait reprocher à cette œuvre, c’est la masse conséquente d’informations données. Plusieurs affaires de meurtre se succèdent, dans un premier temps sans lien apparent, puis les suspects se croisent, et les pièces du puzzle s’emboîtent les unes avec les autres. En parallèle, chaque personnage principal possède un passé mystérieux, engendrant plusieurs sous-intrigues qui fusionnent en un plus gros complot politico-familial. Intriguant certes, mais parfois difficile à suivre – sans parler de tous les noms et titres des personnages, comme c’est souvent le cas des récits situés sous Joseon. Heureusement, nous pourrons retrouver à la fin du roman un contexte historique et une liste des personnages.
Niveau esthétique, Matin Calme opte pour une couverture qu’on doit reconnaître sublime, habillée de tons violets et d’une lune ensevelie sous des motifs de fleurs. À l’intérieur, des branches de fleurs violettes sont un joli ajout, de même que les petits pétales grisés virevoltant au fil des pages.
Par une nuit claire
KIM Yi-sak
Traduit du coréen par LEE Hyonhee et Isabelle RIBADEAU DUMAS
Matin Calme, 2022, 336 pages, 22€