Nous présentons aujourd’hui HAN Yong-un né à la presque fin du XIXe siècle et mort pendant l’occupation japonaise. Militant indépendantiste, moine et poète, cet esprit engagé composa une œuvre dans laquelle sont présents aussi bien les préceptes d’un bouddhisme rénové que la défense des paysans du Tonghak.
« Je ne peux pas savoir »
La feuille de paulownia qui descend en silence,
Tourbillonnant à la verticale, dans le vide sans un souffle de vent,
De qui est-elle la trace ?
Le ciel bleu qui apparaît de temps en temps entre les gros
Nuages menaçants chassés par le vent d’ouest à la fin de
La longue saison des pluies, de qui est-il le visage ?
La fragrance mystérieuse qui caresse le ciel calme au-dessus
D’un stûpa, après avoir frôlé un vieil arbre sans fleur
Recouvert de lichen vert, de qui est-elle le souffle ?
Le petit ruisseau né d’une source inconnue qui fait pleurer la
Pierre qui coule en méandres, de qui est-il le chant ?
Le crépuscule qui pare le jour finissant en marchant sur la
Mer immense avec ses talons pareils à un lotus, en touchant
De ses mains délicates le ciel infini, de qui est-il la poésie ?
Les cendres qui restent deviennent à nouveau de l’huile.
Mon coeur n’en finit pas de brûler. Cette faible lumière d’une
Lampe, sur qui veille-t-elle la nuit ?
HAN Yong-un (1879-1944)
Il naît le 29 août 1879 au village de Seonggok, environ 200 km au sud-ouest de la capitale Séoul. Enfant doué, il apprend les caractères chinois et à 10 ans, il passe déjà pour un brillant élève. À 13 ans, il est marié à une demoiselle de la ville de Cheonan. À 17 ans, il peut exercer le préceptorat. 18 ans, il s’engage dans le Tonghak, un mouvement de révolte paysanne.
À 20 ans, il part pour Vladivostok, il en reviendra pour fait de persécution et reprendra sa vie d’errance. En 1904, iI a 25 ans. Il revient au pays pour y passer quelques mois. Lui naîtra un fils (le 21 décembre) qu’il appelle Poguk (« pays à préserver » ; c’est déjà dire les préoccupations qui l’animent !). L’année suivante, il quitte à nouveau sa maison pour retourner au temple de Paektam. Après y avoir travaillé aux cuisines, il deviendra bonze. À 26 ans, admis dans les ordres, il achève ses études bouddhiques sous l’œil vigilant de plusieurs maîtres.
En 1912, il entreprend la rédaction d’un Dictionnaire du bouddhisme. À 37 ans, il entreprend une tournée dans les temples des quatre provinces de l’extrême sud. Il soulève ses auditoires par la flamme de ses discours. À la fin de l’année il est affecté au service de propagande religieuse du bouddhisme. En 1916, à 39 ans, au cours d’une méditation, il entrevoit la Lumière et devient alors « Illuminé ». À 39 ans, il crée la revue Esprit et en devient l’éditeur. À partir de ce moment, il met toutes ses forces dans la création littéraire.
Le premier mars 1919, au nom de 33 signataires, il proclame « la déclaration d’Indépendance ». Il est alors livré à la police japonaise. Le 10 juillet, à la prison de Seodaemun, en réponse à l’interrogatoire du procureur japonais, il jette les bases d’une Lettre sur l’indépendance coréenne. Le 4 novembre de la même année, sa lettre est publiée dans le journal L’indépendant, édité par le gouvernement provisoire exilé à Shangaï. En mars 1922, après avoir purgé une peine de trois ans, il est relâché. En 1925, il a 46 ans. Le 29 août, il produit Le Silence de Nim qui sera édité pour la première fois l’année suivante : première d’une série de quatre-vingt-neuf éditions En 1927, il œuvre à la réforme du mouvement « Jeunes bouddhistes ». En 1929, avec d’autres personnalités, il favorise l’extension du soulèvement des étudiants de Kwangju et lance un rassemblement populaire. En 1931, il prend en charge la revue Bouddhisme dont il devient le directeur. En 1937, le premier mars (dix-huitième anniversaire de la déclaration d’Indépendance), il reprend la publication de la revue qui avait cessé de paraître.
En 1943, à 64 ans, il s’oppose à l’envoi sur le front de guerre japonais des Coréens en âge scolaire. Il meurt en 1944 d’une congestion cérébrale, dans sa résidence de Séoul.
Le poème « Je ne peux savoir » est tiré de Le silence de Nim, traduit du coréen par KIM Hyunja.
Sources
Naver.
Anthologie des poètes coréens, publiée par la Société des poètes français, avec leur aimable autorisation, 2024. Traduction : Kim Hyunja.
Une biographie très complète dont nous avons extrait les lignes qui précèdent figure dans son recueil de poésie Le silence de Nim, traduit et présenté par Kim Hyun-ju et Pierre Messini, et publié aux Éditions Autres Temps en 1996.