Saluons une nouvelle parution de l’éditeur Imago sous la plume de ses traducteurs de coréen, le pansori Heungboga. Le pansori est un art relevant de la littérature orale, joué, chanté et récité par un maître de pansori, soutenu par un joueur de tambour. Apparu au 16ème siècle, cet art populaire de Corée faisait le régal des spectateurs sur la place publique pour le ton mordant, ironique, critique des puissants qu’il représentait.
Heungboga propose une histoire que tous les Coréens connaissent et dont ils raffolent : l’histoire de deux frères, l’un gentil et pauvre, l’autre méchant et riche. Cette division qui n’a rien pour nous surprendre sera toutefois illustrée d’une façon moins binaire qui n’y paraît. Chaque frère représente une part du spectre social avec le riche et aîné Nolbo chassant le cadet Heungbo de la demeure familiale. On regarde trop souvent le confucianisme pour l’autorité qu’il impose aux plus jeunes, aux moins titrés, oubliant que la contrepartie de cette soumission nécessite que les dominants protègent les dominés. La hiérarchie est toujours mise en avant dans le confucianisme mais on évite de préciser que cette hiérarchie est d’autant mieux acceptée qu’elle se pare de l’obligation de soutenir et protéger ceux qui en ont besoin. Il serait d’ailleurs bien que les politiques se saisissent de cette dimension trop souvent oubliée du confessionnalisme. À l’opposé de Nolbo, le pauvre cadet Heungbo n’a que sa femme et sa ribambelle d’enfants à faire valoir. Mais soudain, le petit frère devient lui aussi riche. Nous n’en dirons pas plus, lisez le chant de ce pansori.
Signalons le travail pédagogique des traducteurs qui outre la qualité de leur travail, soutiennent le texte à la fois par leur préface et par leur commentaire éclairant, par l’appareil critique, par les mots et divers textes et photographies. Il est heureux qu’en des temps peu favorables, Imago continue de publier des textes qui illustrent si bien l’histoire de la Corée classique
Heungboga, le dit de Heungbo ou la bonté récompensée
Traduit du coréen par Han Yumi et Hervé Péjaudier
Imago, 2024, 22€
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