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Moon rabbit

Une très jolie nouvelle version d’un conte traditionnel revisité par une autrice talentueuse, Choi Young-ah, qui joue avec maestria de la lumière et du mouvement dans ce premier titre adapté en français.

© Choi Young-ah / Éditions du Seuil, 2024

Ici, Choi Young-ah imagine un scénario digne des dramas historiques les plus charmants : un joli petit lapin vêtu du costume traditionnel assorti du hogeon, la coiffe des plus jeunes Yangban, soupire d’amour en regardant une Lune crémeuse briller de toute sa splendeur nocturne. Il vit dans une maison d’autrefois, un hanok, et sa chambre a toutes les caractéristiques de celle d’un étudiant lettré studieux : quand le lapin repousse les cloisons, la table basse où trônent papier, encre et pinceau, le coffre où se rangent les livres, et le beau paravent ornemental se détachent sur un fond crème soyeux, à l’image de la représentation très connue aujourd’hui de cet univers charmant et suranné, à laquelle Choi Young-ah fait de multiples clins d’œil malicieux. L’illustratrice joue aussi de la clarté lunaire pour nimber le paysage nocturne du jardin d’une aura tout à fait magique qui se révèle dominante dans l’album, subsistant même après avoir refermé celui-ci. Elle combine astucieusement une succession de plans larges, poétiques et détaillés, et de pages de cases qui découpent l’action et surtout les réactions des deux partenaires. Les vignettes sont cadrées de blanc, qui met en relief le motif tout en conservant cette perspective éclairante. Cette atmosphère qui joue du contraste entre nuit et luminosité illustre la douceur de l’amour qui unit le petit lapin et son amie la Lune, mais aussi toute la traditionnelle poésie du sujet.

© Choi Young-ah / Éditions du Seuil Jeunesse, 2024

À l’intention d’un jeune public, les deux amoureux sont représentés sur un mode naïf attendrissant, et le jeu des expressions particulièrement développé ajoute encore à cette impression. Mais même s’ils échangent des messages d’amour et des regards langoureux, bien vite l’action se corse.

© Choi Young-ah / Éditions du Seuil Jeunesse, 2024

Une étoile filante percute la Lune, et le lapin éperdu court pour attraper le morceau qui tombe dans l’étang. Il veut désormais le remettre à sa place pour rendre à son amoureuse la plénitude de sa face lumineuse et souriante. Le sage étudiant se transforme alors pour le grand plaisir des lecteurs en acrobate fantastique, tel qu’on en voyait autrefois dans les fêtes de village : ce ne sont plus que bonds, sauts, cabrioles et équilibres toujours plus loin, toujours plus haut pour atteindre son but ! La Lune attentive et inquiète surveille tout cela dans un jeu de plans verticaux successifs qui évoque le découpage d’un dessin animé. Mais Choi Young-ah joue aussi avec l’imagination du lecteur en représentant sur l’écran noir d’un seul plan large une mise en scène très expressive du lapin bondissant et rebondissant sur l’axe mince d’une corde tendue en hauteur. Les vibrations de la corde sont représentées en même temps que tous les sauts de notre héros plein de courage et d’audace qui occupent l’espace en un large demi-cercle très dynamique. Cette magie du mouvement dans l’illustration statique est un plaisir pour les yeux et l’occasion d’un grand frisson d’excitation pour le lecteur !

Choi Young-ah nous régale ainsi de cette fantaisie poétique, et ce joli conte si bien réinterprété séduira sans nul doute de nombreux et nombreuses jeunes lecteurs et lectrices, ainsi que leurs parents !


Moon rabbit
CHOI Young-ah
Traduction de Rosalind Elland-Goldsmith
Éditions du Seuil – Jeunesse, 2024
48 pages, 15,50€