Et si posséder un appartement ne signifiait plus être chez soi, mais simplement être enfermé ailleurs ?
Dans 84m², l’appartement n’est pas un décor : il est le cœur du conflit. Cette surface précise, presque administrative, incarne un idéal imposé à toute une génération. Posséder 84 m², ce n’est pas seulement avoir un toit, c’est prouver sa réussite sociale, sa stabilité, son intégration dans un système qui valorise l’ancrage matériel plus que le bien-être individuel.
Woo-sung appartient à cette génération qui a grandi avec la promesse que l’effort finirait par payer. Étudier, travailler, s’endetter, et un jour, acheter. Mais une fois la clé tournée dans la serrure, le film déconstruit brutalement ce récit méritocratique. L’appartement, loin d’être un refuge, devient un espace hostile, saturé de tensions invisibles et de bruits incessants. La propriété ne libère pas : elle enferme.
À travers les conflits de voisinage et la montée progressive de la paranoïa, 84m² met en scène une société urbaine où la proximité forcée remplace le lien social. Les habitants coexistent sans jamais réellement se rencontrer, liés uniquement par des règles tacites, des soupçons et une peur commune : celle de perdre ce qu’ils ont acquis au prix de leur santé mentale. Le bruit devient alors un symptôme, révélateur d’un malaise plus profond, celui d’une communauté fragmentée.
Le film s’inscrit dans une critique plus large du modèle économique sud-coréen contemporain, marqué par la spéculation immobilière, l’endettement massif des jeunes adultes et la pression constante à la réussite. L’appartement de Woo-sung est financé par des sacrifices invisibles : heures supplémentaires, anxiété permanente, renoncement au repos. Les murs ne contiennent pas seulement un espace de vie, mais toute la violence structurelle qui l’a rendu possible.
En ce sens, 84m² rejoint une tradition du cinéma coréen qui interroge la hiérarchie sociale et les inégalités, non plus à travers des écarts spectaculaires entre riches et pauvres, mais dans des espaces ordinaires, banals, presque universels. Ici, le drame ne naît pas de la misère, mais de la normalité elle-même, celle d’une vie conforme aux attentes, mais profondément instable.
Si la dernière partie du film adopte les codes plus explicites du thriller, son propos sociologique demeure le suivant : le logement, censé garantir la sécurité, devient le lieu où s’expriment les fractures générationnelles et la violence d’un système qui exige toujours plus sans jamais offrir de repos. 84m² dresse ainsi le portrait d’une génération enfermée dans des espaces qu’elle possède sans jamais vraiment les habiter.
84m²
Kim Tae-Joon
Produit par Mizi Film, distribué par Netflix
1h58min
Et si posséder un appartement ne signifiait plus être chez soi, mais simplement être enfermé ailleurs ?
Dans 84m², l’appartement n’est pas un décor : il est le cœur du conflit. Cette surface précise, presque administrative, incarne un idéal imposé à toute une génération. Posséder 84 m², ce n’est pas seulement avoir un toit, c’est prouver sa réussite sociale, sa stabilité, son intégration dans un système qui valorise l’ancrage matériel plus que le bien-être individuel.
Woo-sung appartient à cette génération qui a grandi avec la promesse que l’effort finirait par payer. Étudier, travailler, s’endetter, et un jour, acheter. Mais une fois la clé tournée dans la serrure, le film déconstruit brutalement ce récit méritocratique. L’appartement, loin d’être un refuge, devient un espace hostile, saturé de tensions invisibles et de bruits incessants. La propriété ne libère pas : elle enferme.
À travers les conflits de voisinage et la montée progressive de la paranoïa, 84m² met en scène une société urbaine où la proximité forcée remplace le lien social. Les habitants coexistent sans jamais réellement se rencontrer, liés uniquement par des règles tacites, des soupçons et une peur commune : celle de perdre ce qu’ils ont acquis au prix de leur santé mentale. Le bruit devient alors un symptôme, révélateur d’un malaise plus profond, celui d’une communauté fragmentée.
Le film s’inscrit dans une critique plus large du modèle économique sud-coréen contemporain, marqué par la spéculation immobilière, l’endettement massif des jeunes adultes et la pression constante à la réussite. L’appartement de Woo-sung est financé par des sacrifices invisibles : heures supplémentaires, anxiété permanente, renoncement au repos. Les murs ne contiennent pas seulement un espace de vie, mais toute la violence structurelle qui l’a rendu possible.
En ce sens, 84m² rejoint une tradition du cinéma coréen qui interroge la hiérarchie sociale et les inégalités, non plus à travers des écarts spectaculaires entre riches et pauvres, mais dans des espaces ordinaires, banals, presque universels. Ici, le drame ne naît pas de la misère, mais de la normalité elle-même, celle d’une vie conforme aux attentes, mais profondément instable.
Si la dernière partie du film adopte les codes plus explicites du thriller, son propos sociologique demeure le suivant : le logement, censé garantir la sécurité, devient le lieu où s’expriment les fractures générationnelles et la violence d’un système qui exige toujours plus sans jamais offrir de repos. 84m² dresse ainsi le portrait d’une génération enfermée dans des espaces qu’elle possède sans jamais vraiment les habiter.
84m²
Kim Tae-Joon
Produit par Mizi Film, distribué par Netflix
1h58min