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Je veux mourir, mais je mangerais bien du tteokbokki

Dans ce cours essai, Baek Sehee se livre sur son anxiété et sa difficulté à naviguer les relations humaines.

« Pour moi, la tristesse est le chemin qui engendre le moins de résistance, elle est l’émotion la plus familière et la plus à portée de main que je possède. » (p.110)

Derrière ce titre intriguant et accrocheur, Baek Sehee se livre sur son anxiété, sa faible estime de soi, ses déboires relationnels avec une honnêteté brute et une volonté de se comprendre pour mieux traiter les autres. Cet essai autobiographique rassemble les transcriptions de douze séances de thérapie, accompagnées de courtes réflexions de l’autrice après chaque session.

Fluide et facile à lire, nous n’avons pas besoin de nous reconnaître dans chaque propos de l’autrice pour apprécier l’ouvrage. Ce dialogue entre Baek Sehee et sa psychiatre nous invite tout autant à l’introspection, à réfléchir aux problématiques soulevées – la dépression, l’anxiété, l’amitié, l’apparence, l’écriture, etc. –, qu’à débattre.

Bien que positionné comme livre de développement personnel, il est important de souligner d’emblée que le but de cet ouvrage n’est pas d’apporter une réponse à la souffrance. Aucune résolution, aucun remède miracle, mais un dialogue. Un dialogue entre l’autrice et sa thérapeute. Un échange, des pistes, des clés pour tenter de mieux se connaître.

Certains y trouveront une forme de réconfort, d’autres y verront peut-être une barrière culturelle. Car les réactions « extrêmes » et souvent contradictoires de l’autrice sont à rattacher à un contexte sud-coréen, où la communauté, le culte de l’apparence et le patriarcat pèsent lourdement sur les mentalités et instaurent une forme d’idéal à suivre. Un modèle de réussite exploré dans nombre de fictions sud-coréennes – chez Chang Kang-myoung, Apple Kim, Song Si-woo, Ha Il-kwon par exemple – et illustré ici par la pression que Baek Sehee ressent vis-à-vis de son apparence ou de son université.

« Vous essayez aussi de rentrer dans un cadre, comme si vous subissiez une pression intense pour vous conformer, pour éviter que l’on vous voie comme une personne anormale. » (p.175)

Par « Je veux mourir, mais je mangerais bien du tteokbokki », comprenez : deux émotions opposées peuvent coexister. Le désespoir existe, mais les petits bonheurs du quotidien aussi. Cette dualité, Baek Sehee apprend encore à la naviguer, comme elle le souligne dans l’épilogue.

En somme, le style de l’autrice est simple, la réflexion facile à suivre – il ne s’agit presque que de dialogues, après tout. La traduction française quant à elle est tirée de l’anglais, et non du texte original en coréen – un choix toujours délicat quand on veut pleinement retranscrire toutes les nuances de langage. Néanmoins, cela ne semble en rien entacher la compréhension.

Avec ce premier ouvrage traduit en français, Baek Sehee ne fait qu’affirmer une popularité déjà existante à l’échelle mondiale : best-seller en Corée, Je veux mourir, mais je mangerais bien du tteokbokki est traduit en plusieurs langues. Une lecture rapide et accessible, « recommandée par RM de BTS » – argument marketing sans faille aujourd’hui –, qui se termine sur une promesse : celle d’aller mieux. Un message encourageant pour toute personne en difficulté.


Je veux mourir, mais je mangerais bien du tteokbokki
Baek Sehee
Traduit de l’anglais par Julie Blanc
Éditions Leduc, 240 pages, 17€

A propos

Doctorante en littérature coréenne, j'ai découvert la Corée par la musique et le cinéma en 2010, et l'amour que j'ai pour ce pays n'a fait que s'étendre au fil des années. En termes de littérature, ma préférence va aux polars, drames et autres récits complexes. Ma recherche se focalise sur des thématiques sombres, très présentes dans la littérature contemporaine : mal-être, psychopathologie et mélancolie ; mais cela ne m'empêche pas d'apprécier les histoires plus joyeuses de temps à autre.