Le bel ours au poil bleu canard et au sourire béat de la couverture est en proie aux délices et aux affres de l’attente amoureuse. Cette Mimi, annoncée dans le titre répondra-t-elle à sa demande ? Viendra-t-elle au rendez-vous ? Le charme de l’album tient bien sûr à la déclinaison des états successifs de l’amoureux transi qui réjouit les lecteurs et lectrices par son romantisme attendrissant. Mais surtout, la qualité de la technique d’illustration choisie par l’autrice plasticienne, un foisonnement de minuscules traits qui crée un fascinant effet de volume et de douceur, retient l’attention et séduit pour longtemps. La finesse de l’estampage confère une légèreté à l’image, un côté soyeux à la fourrure, une transparence aux ailes de papillon, aux innombrables pétales qui volètent autour de l’ours qui scande infiniment la formule anaphorique de l’attente « Viendra ? Viendra pas ? »
Le côté aérien d’une distribution des motifs sur la double page, en gros plan, permet au regard du lecteur de détailler à la fois la minutie du trait et les facéties des insectes présents, dérangés par l’obsession du soupirant. Chenilles, coccinelles pimentent l’intérêt de l’intrigue où l’ours en amour, tout à sa rêverie se roule et s’enroule sur lui-même et dans l’herbe verte du pré, reprenant à l’infini sa mélopée de l’attente, tout à tour plein d’espoir, inquiet, paniqué. Leurs remarques moqueuses ou simplement comiques ponctuent le dessin au plus près, tout en suivant l’effeuillage des branches, les pétales colorés ou les graines de pissenlit dispersées par un éternuement sonore et liquide : « Beurk, se plaint l’abeille, il nous a mis de la morve partout ! ». Quand l’ours se met à dérouler sa litanie au rythme du défilement des fourmis tout à leur besogne, celles-ci s’interrogent : « Qu’est-ce qu’il fabrique ? »
Cette appétence pour le rire, pour la tendre dérision, est dans l’album jeunesse un ressort fréquemment utilisé, particulièrement intéressant pour le développement d’un regard critique chez l’enfant, la stimulation de l’esprit d’analyse. Alors même que le propos renvoie à l’intime, au plus secret des sentiments, qu’il est probablement bon de reconnaître et d’accepter y compris chez les plus jeunes, le texte parallèle porté par les insectes suggère la distanciation, et évite l’angoisse que pourrait susciter cette attente sans fin. Le texte par ailleurs est à l’échelle des commentateurs, donc en plus petits caractères, de couleur verte comme la nature dans laquelle se déroule cette charmante aventure.
C’est un autre atout de cet album : la police de caractère, fine et droite, constitue elle aussi un choix qualitatif remarquable de délicatesse, particulièrement adapté à la figuration du sujet principal, comme de son commentaire.
Les lecteurs et lectrices garderont longtemps sur la pupille l’empreinte ensoleillée des grands dahlias épanouis et l’image de cet ours rêveur qui se languit de sa belle sous le soleil de l’été.
Quand enfin, il interrompt sa mélopée, étalé face au ciel évocateur dans la prairie fleurie, il se met enfin à réfléchir : et s’il choisissait l’action ?
En attendant Mimi
Moon Myung-ye
Éditions Michi, 2024
36 pages, 16,50€