Après le spectaculaire À l’eau ! de Park Heejin, il ne faut pas plus de 3 secondes pour plonger dans ce récit un brin introspectif où l’on suit de nouveau un enfant à la piscine alors qu’il s’attaque au grand escalier qui le conduira au plongeoir. Encore une fois, c’est l’appréhension de l’espace sur la double page qui sert à Jung Jinho l’architecte à suggérer la distance intérieure. Tout seul au bord du bassin, le petit garçon fait un constat terrible : « Je ne suis bon à rien », le regard fixé sur les hautes marches d’un escalier d’un bleu estompé marbré de nuées blanches comme une invitation à grimper dans le ciel. Le lecteur ne sait que penser de cet aveu direct, brutal, qui peut-être le renvoie immédiatement à ces doutes qui nous assaillent tous, sur nos compétences ou notre valeur. Et dans une société coréenne où dès l’enfance, l’individu est soumis à l’hyper-compétitivité, cette introduction sonne comme une alerte.
La confession se poursuit au fil de l’ascension qui se présente comme une course d’étapes numérotées, constitutive de l’image modèle de la réussite enfantine : réussite sportive, réussite scolaire, intégration ou qualité des choix, chaque étape est ici signée du constat de l’échec. La page se couvre peu à peu de chemins d’escaliers entrecroisés comme autant de lignes de fuite, puis se succèdent en un long toboggan qui grimpe à l’infini. Les rampes noires et régulières figurent peut-être les barreaux d’une vaste prison inconsciente, sentiment renforcé par les arcs de voûte qui agrandissent encore l’espace. Le bleu céleste des marches assorti du blanc de la page créent une atmosphère irréelle, en apesanteur. Où donc nous conduit Jung Jinho dans ce parcours oppressant ?
©Jung Jinho / Éditions CotCotCot, 2025.
Puis des figures complémentaires apparaissent, tracées d’un fin trait noir. Elles illustrent les situations évoquées car le souvenir de l’échec ou de la déception est bien souvent associé à une image, voire une réflexion qu’autrui lance sans réfléchir comme une flèche empoisonnée. Un flash coloré et symbolique les imprime encore plus fort sur la rétine, comme dans le souvenir. Que de blessures pour un si jeune esprit. L’empathie de l’auteur pour cet enfant accablé étreint le cœur du lecteur.
©Jung Jinho / Éditions CotCotCot, 2025.
Pourtant leur représentation fait sourire, car ces souvenirs sont vides et transparents au-delà de leur silhouette contournée, et caricaturée par Jung Jinho qui les renvoie du même coup dans une trappe d’oubli, comme des éléments négligeables face à la force de l’enfant qui poursuit son ascension, avec toujours plus d’assurance. Penché vers l’intérieur de la cage d’escalier labyrinthique, il semble les observer d’en haut et achève son récit de façon très inattendue d’une sentence bien sonnée qui renvoie tous les compétiteurs au tapis ! La morale de l’histoire selon Jung Jinho fait s’écrouler les modèles pour le bonheur des petits garçons !
©Jung Jinho / Éditions CotCotCot, 2025.
Et puis, l’enfant s’engage d’un pas ferme sur le plongeoir, sa planche de salut car là, ses amis l’attendent. En trois pages décisives qui font écho au titre, Jung Jinho nous débarrasse des barreaux et des obstacles et décompose le plongeon collectif qui s’achève dans un grand éclat de rire réconfortant ! Que d’émotions dans cette aventure, mais quelle sagesse dans sa conclusion !
Jung Jinho est décidément un grand auteur, dont la sensibilité et la finesse nous émerveillent, et dont on attendra avec impatience de nouveaux titres en français.
3 secondes pour plonger
Jung Jinho
Adaptation Charlotte Gryson
Éditions CotCotCot, 2025, 17€
Après le spectaculaire À l’eau ! de Park Heejin, il ne faut pas plus de 3 secondes pour plonger dans ce récit un brin introspectif où l’on suit de nouveau un enfant à la piscine alors qu’il s’attaque au grand escalier qui le conduira au plongeoir. Encore une fois, c’est l’appréhension de l’espace sur la double page qui sert à Jung Jinho l’architecte à suggérer la distance intérieure. Tout seul au bord du bassin, le petit garçon fait un constat terrible : « Je ne suis bon à rien », le regard fixé sur les hautes marches d’un escalier d’un bleu estompé marbré de nuées blanches comme une invitation à grimper dans le ciel. Le lecteur ne sait que penser de cet aveu direct, brutal, qui peut-être le renvoie immédiatement à ces doutes qui nous assaillent tous, sur nos compétences ou notre valeur. Et dans une société coréenne où dès l’enfance, l’individu est soumis à l’hyper-compétitivité, cette introduction sonne comme une alerte.
La confession se poursuit au fil de l’ascension qui se présente comme une course d’étapes numérotées, constitutive de l’image modèle de la réussite enfantine : réussite sportive, réussite scolaire, intégration ou qualité des choix, chaque étape est ici signée du constat de l’échec. La page se couvre peu à peu de chemins d’escaliers entrecroisés comme autant de lignes de fuite, puis se succèdent en un long toboggan qui grimpe à l’infini. Les rampes noires et régulières figurent peut-être les barreaux d’une vaste prison inconsciente, sentiment renforcé par les arcs de voûte qui agrandissent encore l’espace. Le bleu céleste des marches assorti du blanc de la page créent une atmosphère irréelle, en apesanteur. Où donc nous conduit Jung Jinho dans ce parcours oppressant ?
©Jung Jinho / Éditions CotCotCot, 2025.
Puis des figures complémentaires apparaissent, tracées d’un fin trait noir. Elles illustrent les situations évoquées car le souvenir de l’échec ou de la déception est bien souvent associé à une image, voire une réflexion qu’autrui lance sans réfléchir comme une flèche empoisonnée. Un flash coloré et symbolique les imprime encore plus fort sur la rétine, comme dans le souvenir. Que de blessures pour un si jeune esprit. L’empathie de l’auteur pour cet enfant accablé étreint le cœur du lecteur.
©Jung Jinho / Éditions CotCotCot, 2025.
Pourtant leur représentation fait sourire, car ces souvenirs sont vides et transparents au-delà de leur silhouette contournée, et caricaturée par Jung Jinho qui les renvoie du même coup dans une trappe d’oubli, comme des éléments négligeables face à la force de l’enfant qui poursuit son ascension, avec toujours plus d’assurance. Penché vers l’intérieur de la cage d’escalier labyrinthique, il semble les observer d’en haut et achève son récit de façon très inattendue d’une sentence bien sonnée qui renvoie tous les compétiteurs au tapis ! La morale de l’histoire selon Jung Jinho fait s’écrouler les modèles pour le bonheur des petits garçons !
©Jung Jinho / Éditions CotCotCot, 2025.
Et puis, l’enfant s’engage d’un pas ferme sur le plongeoir, sa planche de salut car là, ses amis l’attendent. En trois pages décisives qui font écho au titre, Jung Jinho nous débarrasse des barreaux et des obstacles et décompose le plongeon collectif qui s’achève dans un grand éclat de rire réconfortant ! Que d’émotions dans cette aventure, mais quelle sagesse dans sa conclusion !
Jung Jinho est décidément un grand auteur, dont la sensibilité et la finesse nous émerveillent, et dont on attendra avec impatience de nouveaux titres en français.
3 secondes pour plonger
Jung Jinho
Adaptation Charlotte Gryson
Éditions CotCotCot, 2025, 17€