Depuis plusieurs années, la culture coréenne se propage en Occident, touchant toutes les générations via divers procédés. En France, les fans de littérature ont pu découvrir l’existence des manhwas (만화), bandes dessinées destinées à la lecture sur téléphone. Elles sont constituées de planches consultables de droite à gauche et de haut en bas. Ces BD coréennes possèdent divers genres, comme le sonyun manhwa correspondant au shōnen pour les mangas, mais ceux-ci, moins populaires que leurs voisins japonais, sont peu connus du grand public.
A la différence des BD japonaises, les manhwas sont colorés et possèdent des graphismes plus libres, permettant de jongler entre le réalisme, le cartoon, et la BD. Une diversité permettant à chacun de trouver son bonheur.
Contre toute attente, les manhwas possèdent un fond impactant le pays puisqu’ils abordent des thématiques historiques et réelles, servant à dénoncer certains sujets de manière amusante, et souvent implicite. Chaque manhwa comporte une morale, essayant de marquer les esprits par la composition de l’histoire. Les thèmes traités concernent majoritairement la jeune génération se devant d’être parfaite sur le plan social et physique. Par exemple, le thriller Killstagram évoque les dangers d’internet, un sujet beaucoup exploité de nos jours en réponse au développement technologique constant. La romance True Beauty, elle, parle de la place de la beauté en Corée, exprimant le mal-être des jeunes femmes se devant d’être toujours belles et exemplaires en toutes circonstances.
A l’origine, le terme manhwa fut popularisé en Corée en 1920 pour mentionner les dessins animés. En anglais, ce nom désigne les bandes dessinées d’inspiration japonaise créées par le succès mondial des mangas. De nos jours, que cela soit en coréen, en chinois ou en japonais, la traduction officielle de manhwa (만화) correspond à “bandes dessinées”.
Dans les années 1948, Kim Yong-Hwan (김영환), dessinateur populaire de l’époque, a créé le premier journal de bande dessinée coréenne, manhwa haengjin (만화행딘). Son but était de rendre la société douce et de faire sourire les lecteurs. Cependant, dès que les ventes ont commencé, le magazine fut censuré compte tenu de sa couverture provocante montrant avec dérision des relations intercoréennes entre les politiciens de l’époque et les pays puissants voisins de la Corée.
Après de nombreux problèmes, les manhwas furent publiés en plus grand nombre et se développèrent sur internet. De la même manière que les mangas, les manhwas se propagèrent dans le monde, n’épargnant pas la France qui, depuis quelques années, publie ces BD coréennes en version papier. Solo leveling, Bastard, Sweet Home, il y en a pour tous les goûts.
Pour les lecteurs ne pouvant pas acheter ces livres, ou préférant lire sur internet, diverses plateformes sont nées. L’une des plus connues, Webtoon, regorge de manhwas gratuits, publiés par tout genre d’auteurs, qu’ils soient connus ou non. La majorité des livres se trouvant sur cette application sont d’origine coréenne, mais, en cherchant bien, quelques livres rédigés par des occidentaux apparaissent, comme par exemple Godless : Realm Of Eternum se trouvant être écrit par un jeune français : Théo Marchal (Asukyo sur l’application).
Grâce à ce type de plate-forme, et à la renommée international des manhwas, de jeunes auteurs peuvent développer leur art dans un domaine qui était alors en déclin. L’un des manhwas les plus connus, Sweet Home de Young-Chan Hwang (융찬왕, dessinateur) et Carnby Kim (김칸비, écrivain) sorti en 2017, a eu l’honneur d’être télévisé. En 2020, une série du même nom a vu le jour sur Netflix, popularisant davantage le manhwa. Récoltant de bonnes retombées cinématographiques, une saison 2 serait prévue pour 2021. D’autres titres ont, comme Sweet home, eu la chance d’être adaptés : True Beauty sorti en 2020, ou encore, Blade of the Phantom Master en 2004.
Les lecteurs occidentaux cherchant des manhwas, ou des adaptations cinématographiques de ceux-ci, peuvent les découvrir sur internet. Pour les coréens, ils peuvent les trouver en version papier, vendus dans leurs rues. Adoptant le même concept que les mangas cafés, les manhwabang (만화방) sont des bibliothèques et salles de lecture privées spécialisés dans les manhwas. Ceux-ci sont ouverts 24h sur 24 permettant de lire sur place ou de louer de nombreux livres. Créées à la fin des années 1950, elles deviennent rapidement populaires, de par leurs caricatures sur le régime coréen et leurs faibles tarifs. Au départ, le principe était simple, des personnes se rassemblaient dans les rues pour lire, puis, après quelques années, les librairies sont apparues. Lee Guk-Jeon (이국전), pionnier de ces bibliothèques, a participé à la création de la première maison d’édition spécialisée dans les manhwas, Eagle Bookstore. Avec le temps, les salles de BD coréennes sont devenues des espaces culturels pour toutes les générations, même si on y retrouve essentiellement les enfants et les adolescents.
Malheureusement pour les lecteurs, des décennies plus tard, certaines controverses ont émergés : personne ne contrôlait ce que lisait les enfants, des films pornographiques étaient accessibles à tous, fumer dans à l’intérieur était possible de même que la vente de cigarette aux mineurs, et les fugueurs venaient se réfugier dans les locaux. Toutes ces circonstances ont engendré la fermeture de plusieurs établissements, et le déclin de la popularité des manhwabang jusqu’à 2010. Depuis, grâce à la mondialisation et aux progrès technologiques, les salles de manhwa cherchent de nouveaux clients, créant des comptes Facebook, Instagram, et autres pour attirer les regards et la curiosité des personnes. Après une histoire tumultueuse, la place des manhwas en Corée se fait grandissante. Les jeunes voient en ces BD un moyen de réfléchir sur leur société et sur eux même, à l’aide des multiples morales que comportent les différentes histoires.
Grâce aux nouvelles technologies, l’accès à cette part de la culture coréenne est plus libre, offrant aux manhwas et aux manhwabang une visibilité mondiale. Avec la montée internationale en popularité de ces BD, de grandes entreprises, comme Webtoon et Netflix, ont misé sur leurs adaptations web et cinématographiques, récoltant de très bonnes retombées du grand public. Nul doute que les manhwas, et plus généralement la culture coréenne, continueront à traverser les frontières .
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