Horreur. Panique. Mouvement de masse. Dans les plus grandes catastrophes, la nature humaine laisse place à l’instinct de survie, plus rien n’importe sauf notre propre vie, être égoïste devient la norme. Toutefois, il existe une caractéristique plus effroyable encore : la peur. C’est un sentiment qui dicte les pas, qui s’insinue à l’intérieur des esprits et qui peut mettre un certain temps avant de disparaître. Ce sentiment peut provoquer de nombreux dégâts, aussi bien mentaux que physiques, chez un individu de même que sur toute une population.
Hellbound (지옥), sorti en Corée en 2019, est une démonstration réaliste et impactante d’une angoisse constante qui pousse les hommes a réaliser des actions considérées autrefois comme affreuses et inhumaines. Depuis quelque temps, sans comprendre ce qu’il se passe, des monstres semblables à de la lave durcie, apparaissent quelques minutes pour mettre à mort des personnes avant de mystérieusement se volatiliser. Les avis sur ce phénomène sont mitigés : certains pensent que ce sont les sacrifices d’une secte, d’autres développent l’idée d’une condamnation de Dieu, ou encore émettent l’hypothèse d’une mise en scène. Peu à peu, les personnes commencent à parler et les échos arrivent jusqu’aux policiers de la ville. Avant que ces monstres n’apparaissent, la personne dont le destin est de mourir reçoit un compte à rebours plusieurs minutes, jours, années en avance, sans aucune chance d’échapper à ce sort funeste. Les policiers se mettent alors en quête de ces personnes pour enquêter et assister à leurs décès prémédités. Entre réponses surnaturelles et réponses scientifiques, où est la vérité ?
« Il vaut mieux être un chasseur qui poursuit un chien inexistant… Qu’un sacrificateur qui massacre les humains innocents en prétextant qu’une éclipse solaire exprime la colère de Dieu »
Citation du personnage de Min Hyejin page 120
Ce qui attire en premier lieu l’œil et la curiosité des lecteurs envers ce manhwa, est sa couverture originale. Encore jamais ou très rarement vu chez les manhwas, cette page de couverture divisée en deux rend l’ouvrage unique et donne envie au lecteur de connaître la raison de ce partage. La couleur rouge contraste avec les dessins faits de noir et blanc, donnant immédiatement le ton de l’histoire. Pour ce qui est des designs, les lecteurs seront surpris de leur réalisme.
Les planches de dessins ressemblent fortement à des peintures. Ces esquisses aux allures photographiques transmettent des sentiments forts et percutants s’accordant avec l’histoire apocalyptique qu’elles décrivent. Ce sont des illustrations d’une qualité graphique qu’il est rare d’apercevoir de nos jours. A contrario des scènes, les personnages possèdent des traits se rapprochant des bandes dessinées traditionnelles : ils sont occidentalisés, et moins concrets que les décors en arrière-plan. Toutefois, les styles réaliste et cartoon se fondent à merveille ensemble.
“Le style de dessin fin et affûté de Choi Kyu-Sok est une prouesse technique jamais vue”
Bong Joon-Ho (réalisateur du film Parasite)
L’histoire de Hellbound peut sembler être une « vision » du futur, pourtant, la présence de la fantaisie permet la création d’une frontière entre le monde réel et le synopsis du manhwa. En effet, les tracés réalistes concordent avec l’histoire plausible de ce livre. Un scénario qui met en lumière les côtés sombres de l’humanité en temps apocalyptique. L’auteur Yeon Sang-Ho (연상호) illustre les traits de personnalité qui pourraient se développer jusqu’à devenir « inhumain » en situation d’angoisse. A première vue, les lecteurs sont horrifiés de certaines actions telles que les passages à tabac et les mises à mort. Toutefois, après réflexion, ils se remettent en question, se demandant si eux-mêmes feraient la même chose en temps de crise.
Dans Hellbound, Yeon Sang-Ho s’est penché sur les émotions; il a transmis aux lecteurs l’idée que celles-ci dictent nos actes et nos choix. Son association avec les dessins réalistes et cartoonesques de Choi Kyu-Seok (최규석), peut faire écho à la pandémie du Covid-19 et aux différents comportements observés depuis.
Peu de temps après la publication de ce manhwa, une adaptation cinématographique par l’auteur du manhwa Yeon Sang-Ho lui-même, a eu lieu sur la plateforme Netflix. Après ses deux films à succès dont « Dernier Train pour Busan » (부산행), le réalisateur s’est étonnement lancé dans l’écriture de Hellbound (comprenant seulement deux tomes), et son adaptation en série comprenant six épisodes. Une surprise qui a ravi les fans le jour de l’annonce.
C’est une histoire qui pose des questions sur l’attitude des lecteurs face au danger et à la mort. Si vous étiez confronté à une telle situation, comment réagiriez-vous ?
Hellbound – L’Enfer T01
Scénarisé par Yeon Sangho et illustré par Choi Kyuseok
Editions Delcourt, Kbooks, 312 pages, 14,95€
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