Le confucianisme arrive en Corée vers le IVe siècle avec l’introduction des caractères chinois dans le pays. Cependant, la pratique bouddhique est largement privilégiée et ce n’est qu’au XIIe siècle que le néo-confucianisme s’implante durablement. Il devient, en 1392, l’idéologie officielle de la dynastie Joseon et écarte peu à peu l’influence bouddhique. Le confucianisme, ayant pour référents les Cinq Classiques, prône une société ordonnée et harmonieuse comme résultante d’un système social hiérarchique. Quant au néo-confucianisme, il donne une dimension métaphysique à l’idéologie en admettant un principe ordonnateur de toute chose. La doctrine justifie, de ce fait, une place inhérente à l’homme dans la société qu’il ne peut réfuter.
On considère aujourd’hui la Corée du Sud comme le pays le plus confucianiste d’Asie. Bien que le pays, désormais ouvert au monde, subisse une forte influence étrangère, la pratique des principes confucianistes reste flagrante notamment dans la structure familiale coréenne. L’application des principes confucianistes ont amené à une réorganisation de la société coréenne dans l’organisation civile, les rituels et le système d’éducation. Les concepts éthiques fondamentaux sont la loyauté, la piété filiale, la bonté et générosité, la confiance, la convenance, l’étiquette, le savoir. Ces concepts déterminent la qualité des relations sociales construites autour de trois liens : du sujet au souverain, des enfants aux parents, de la femme à son mari. Il en ressort cinq relations cardinales fondées sur ces principes :
- la justice et la loyauté entre le sujet et le souverain
- la piété filiale et le soin entre le fils et le père
- la séparation des devoirs (convenance) entre l’homme et la femme
- l’ordre entre l’aîné et le cadet
- la confiance entre amis
Dans le cadre familial, dés lors que les principes sont énoncés, chaque membre se voit être attribué un rôle précis et immuable pour l’équilibre du groupe. La famille représente idéalement la société confucianiste. Elle est traditionnellement composée des grands-parents, parents, oncles et tantes, cousins et enfants.
La hiérarchie familiale
La hiérarchie familiale repose sur la légitimité de l’âge et le rôle et l’apport de chacun dans la famille.Les plus jeunes doivent obéissance aux aînés. C’est pourquoi, on voue le plus grand respect à la plus ancienne génération, fondatrice de la famille et source de savoir.Les grands-parents occupent une place prépondérante dans la famille coréenne.En leur présence, on ne parle pas, on les écoute et devons répondre à leurs exigences. Leur autorité n’est jamais remise en cause par les générations plus jeunes.L’épouse qui se marie dans la famille du mari s’occupe davantage des beaux-parents que du mari lui même ce qui confirme le statut vénérable de la génération avancée. On retrouve dans la relation maritale coréenne comme dans d’autres cellules familiales, le mari au statut supérieur à celui de la femme. Le père est celui qui doit travailler pour faire vivre sa famille. Son rôle exclusif lui octroie un large pouvoir de décision sur celle-ci. On observe entre l’homme et la femme une séparation distincte des devoirs. Le mari travaille dur pour subvenir aux besoins des membres de sa famille tandis que la femme reste au foyer pour entretenir la maison et s’occuper de l’éducation des enfants. Historiquement la femme coréenne avait une place restreinte voire inexistante dans la famille. Elle était celle qui devait enfanter des fils, les élever et préparer les repas sans jamais pouvoir manger à la table du mari et des aînés. Elle devait une obéissance absolue à son époux sans jamais rétorquer.
Dans les classiques fondateurs du confucianisme plusieurs préceptes avisent l’homme contre la femme. Dans le Livre des Mutations est écrit : « Malheur à qui épouse une femme audacieuse et forte », ou encore dans le Livre des Odes : « Elle ne doit pas se mêler des affaires publiques. » La pensée confucianiste voit la femme comme une nuisance pour l’homme et ses affaires. Selon cette logique, une épouse qui se consacrerait aux affaires extérieures ne serait plus apte à s’occuper de l’intérieur déséquilibrant de ce fait l’ordre familial. Il est donc indispensable de se convenir aux rôles de chacun prédéfinis par les enseignements afin de conserver le caractère harmonieux de la famille. Bien qu’aujourd’hui le statut de la femme se soit amélioré elle reste encore perçue par certains comme n’ayant qu’un rôle de maîtresse de maison. C’est la raison pour laquelle il est encore difficile pour les « épouses-mères » de trouver un emploi, les employeurs considérant que leur place reste à la maison auprès des enfants.
Dans la famille coréenne, les enfants sont entièrement dévoués aux parents et aux aînés par extension. Leur piété filiale s’applique comme reconnaissance des bienfaits qui leur ont été apporté et montre l’affection des enfants aux parents. Elle se traduit par un devoir de stricte obéissance aux parents et une obligation de s’occuper d’eux. Le profond respect des enfants pour leur parents se traduit par leurs actes et par leurs paroles. C’est pourquoi l’enfant coréen, lorsqu’il s’adresse aux parents et aux aînés en général, doit utiliser des termes honorifiques. Les soins accordés par les enfants sont économiques, pratiques et rituels. La piété filiale se pratique tout au long de la vie du coréen, même après le décès des parents à travers le culte des ancêtres. Le culte des ancêtres s’effectue lors des funérailles ainsi qu’aux cérémonies commémoratives annuelles à la date d’anniversaire du défunt et aux fêtes de Soellal (Nouvel An) et Chuseok (fête des récoltes). Lors des cérémonies, des autels sont dressés pour les ancêtres symboles de la prospérité et la continuité de la famille. Des plats sont préparés en leur honneur et chaque membre de la famille doit s’incliner devant l’autel justifiant ainsi de leur loyauté.
Le sens de la Famille
Le système hiérarchique familial se retrouve dans dans le système social du pays. Le caractère respectueux des coréens envers les aînés dans la cellule familiale se retrouve également dans la société. Les aînés sont toujours prioritaires dans leurs actes ou leurs paroles, les termes employés pour s’adresser à eux sont ceux utilisés en famille. On ne nomme pas les amis plus âgés par leur prénom mais par le terme de « grand frère » ou « grande soeur » tandis qu’on appelle les anciens « grand-père » ou « grand-mère ». En utilisant ces termes le coréen s’efforce d’être vertueux envers l’autre comme il l’est envers les membres de sa famille ce qui renforce davantage les liens entre les personnes et donc la cohésion sociale. C’est une des raisons pour laquelle le patriotisme est si fort en Corée.
La famille coréenne est perçue comme une unité. Si un délit est commis par un membre, ce n’est pas l’individu seul qui sera culpabilisé mais la famille entière tenue pour responsable. Néanmoins la cohésion familiale s’affaiblit et à des répercussions importantes sur les moeurs. Il devient rare de voir des familles entières vivre ensemble. Elles vivent généralement en campagne. Cette situation s’explique tout d’abord par le fait que certains membres d’une famille s’installent autre part pour des raisons professionnelles et ne reviennent dans leur famille qu’à la période des fêtes. Par ailleurs, les espaces d’habitation réduits en ville renforcent une promiscuité susceptible d’être gênante entre les membres. La taille de la famille est désormais souvent réduite aux parents et enfants. En l’absence des grands-parents et autres membres, l’enfant se construit sur un nouvel modèle familial, acquiert une autre éducation et perd les valeurs confucianistes. Le père travaillant sans arrêt reste un être absent qui ne participe donc pas à l’éducation des enfants. Le pouvoir de décisions(administratif, d’éducation…) revient à la mère et l’autorité du père devient moins importante. Il est vrai que les cultes aux ancêtres rappellent le devoir de loyauté envers les ancêtres cependant il n’y a plus d’identification aux aînés. Par ailleurs, l’éducation monoparentale avec une mère centrée sur ses enfants tend à renforcer l’individualisme de chacun. Le symptôme le plus criant de ce déséquilibre familial est l’émergence d’une nouvelle génération d’enfant-rois à qui tout leur est accordé.
Le système social hiérarchique de tradition confucianiste reste très présent dans le quotidien des coréens. Cependant, cet héritage culturel semble perdre de sa valeur à mesure que le pays s’ouvre. Les adaptations à la modernisation du pays (droits de la femme, coût excessif de l’éducation des enfants obligeant le père à travailler sans cesse, modèle de la famille occidentale) bouleversent les rôles traditionnellement attribués aux membres de la famille. Il ne semble rester dans la famille coréenne que le squelette des enseignements confucianistes. On en vient à se demander si les valeurs confucianistes, caractère spécifique du pays, se transmettront encore dans les générations futures. Le déclin des moeurs reste encore faible et si cet héritage culturel menaçait de se perdre, un retour aux enseignements traditionnels serait surement envisagé par le gouvernement soucieux de la protection de sa culture confucianiste, ordonnatrice sociale.
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