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Jimjilbang

jimjilbang Dans un noir et blanc impeccable, d’une grande maîtrise, Jérome Dubois nous dépeint une Corée étouffante, à l’architecture parfaitement rectiligne. La géométrie des lieux ne laisse guère de place aux formes elliptiques : tout n’est qu’intersection de lignes parfaitement tracées. Dans cet univers tout en angles droits, le héros déplace sa tête oblongue, en désaccord complet avec la géométrie environnante. Ce conflit des formes est au fond la traduction graphique d’une incompatibilité plus profonde, d’ordre culturel : le héros refuse de s’immiscer dans la culture coréenne, se montre d’emblée insensible aux charmes locaux. Cette répulsion, pourtant, n’est pas le fruit d’un racisme facile et ignare. Certes, le protagoniste ne montre guère de curiosité durant son séjour, préférant se complaire dans ses propres désillusions. Mais son malaise n’est pas incurable. Une expérience improbable vient basculer le désenchantement des premiers jours. C’est dans un sauna, les fameux JimjilBang, que tout bascule : d’abord dégouté par la proximité des corps nus, le jeune français s’introduit dans une salle de repos où gisent quelques dormeurs, venus se détendre après leur bain de vapeur. Après avoir enjambé quelques silhouettes inertes, le voilà recroquevillé sur lui-même, au milieu de cette populace qu’il abhorre sans raison, et dans laquelle, à sa grande surprise, il prend plaisir à se fondre. Au sortir des bains, le protagoniste est la proie d’un bien-être paradoxal, empreint de dégoût et d’attirance :

Bon sang comme je les hais. Et pourtant, je trouve un confort dans la répulsion. Un certain goût pour la crasse locale. En fait… c’est pas possible. En fait… je commence à aimer ça.

Au rejet de l’étranger se substitue finalement l’étrange sentiment d’être chez soi.


JIMJILBANG
DE JÉRÔME DUBOIS
Éditions Cornélius, 114 pages, 22.50 €