Un album pour les petits consacré à la couleur du sang, donc la couleur de la vie. Aborder le langage par la découverte des noms des objets du quotidien, c’est le propre de l’imagier, un procédé largement utilisé dans les livres pour les tout-petits. L’opposition du noir au blanc en propose en particulier de nombreuses variantes.

Ici, l’apparence est bien à l’imagier dans la déclinaison des pages illustrées à droite, avec en regard au centre de la page de gauche, une ou deux phrases de commentaire ; mais dans cet ouvrage, il semble que ce soit le texte qui illustre le propos énoncé par l’image : une inversion notable, tant l’illustration est encore souvent perçue et attendue comme complémentaire du texte… Alors que pour les tout-petits, elle est fondamentale.

Dans cet album où le rouge déploie ses facettes, l’enfant explore une gamme de sensations et d’émotions suscitées par cette couleur, si variées, si diverses, si opposées aussi : c’est un entraînement à la perception, à la distinction, qui va bien au-delà des mots. Et l’image est une évocation, pas forcément réaliste, ni explicite, mais si précisément juste, qu’elle fait résonner la couleur comme les battements lents d’un cœur. Page après page, Lee Sun-ok dessine un poème qui fait battre le cœur du lecteur.

Mais qui est donc cette Bae So-hyun qui a apporté son aide précieuse à Alain Serres pour traduire le texte ? Sur Internet, on trouve sur le site de la Haute-Ecole des Arts du Rhin, la fiche de la créatrice d’une nouvelle police de caractère, la Johab, proche de l’écriture coréenne en ce qu’elle reprend le principe de l’assemblage des consonnes avec les voyelles pour former des syllabes, phonèmes qui  dévoilent une identité des mots du français renouvelée et mystérieuse ; il ne s’agit probablement pas de la même personne, mais peut-être que l’utilisation de cette police aurait donné au texte la même profondeur mystérieuse et révélatrice à la fois que cette rouge couleur et ses multiples variations donnent à cette expérience de langage belle et si singulière. Une réussite digne de figurer dans toutes les bibliothèques, un futur Classique qui sait ?


ROUGE
LEE SUN-OK
Texte adapté par Alain SERRES, avec l’aide de BAE So-hyun
Rue du Monde, 64 pages, 15 €.

Documentaliste dans l' Education Nationale, et très impliquée dans la promotion de la littérature pour la jeunesse, j'ai découvert la production coréenne il y a plusieurs années, et j'ai été emballée! Je m'attache donc dans Keulmadang à en partager les délices avec les lecteurs, sans m'empêcher parfois de chroniquer un roman ou une bande dessinée pour les plus grands.

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