Chroniques Memoria Romans

Traversée de l’été

Chargé de traverser le pays pour venir en aide au grand frère de son meilleur ami, Junho fait la rencontre de quatre vagabonds qui feront de ce périple un voyage initiatique.

« Je hais Gyuhwan qui est à l’origine de ce voyage. Je me hais encore plus d’avoir accepté ce voyage, la joie au cœur. » (p.271)

En plein mois d’août 1986, le jeune Junho se voit confier une mission par son meilleur ami Gyuhwan : traverser le pays pour délivrer des papiers d’identité à son grand-frère. Le Grand-frère en question, leader d’un mouvement étudiant, est recherché dans tout le pays par les autorités coréennes et se cache sur Imja, une petite île située au sud-ouest de la péninsule.

Alors que Junho s’imagine un voyage paisible, caché à l’arrière d’un camion de marchandises, ses plans sont vites balayés lorsque quatre autres voyageurs clandestins sautent à l’arrière du véhicule. Seungju, un gosse de riche méprisant dont le père possède le camion en question ; Jeonga, une jeune fille irascible cherchant à fuir un foyer violent ; Roosevelt un cerbère qui n’a de cesse d’attaquer notre héros ; et enfin, un vieil homme débraillé – surnommé affectueusement « Papy ». Cette équipe atypique fait dévier le trajet de Junho dès les premières pages du roman. Mais pas question de renoncer à cette traversée du pays, la vie de Grand-frère en dépend !

La traversée de l’été est l’histoire d’un voyage initiatique, autant pour Junho que pour ses compagnons. Drapés dans leurs imperméables jaunes, les quatre voyageurs – et le chien ! – partagent leurs histoires et leurs craintes. Sous ses airs de brute épaisse, Seungju souhaite fuir l’emprise étouffante d’une mère paranoïaque. Papy s’enivre de la nostalgie des meilleures années de sa vie. Jeonga, elle, préfère les dangers de l’errance à la violence de sa maison. Adolescent colérique, continuellement en train de se plaindre et de s’égosiller contre Seungju, Junho se transforme en écoutant les récits des autres. Frustré par son impuissance face à la souffrance de ses amis, il en perd ses mots :

« Je voudrais faire quelque chose. À défaut de paroles, n’importe quoi pour consoler Jeonga. Mais je ne sais pas quoi ni comment. » (p.246)

Ce roman n’est pas seulement la traversée d’un pays, mais aussi d’une période politique houleuse de l’histoire de la Corée du Sud. Dans les années 1980, le pays est dirigé par le dictateur Chun Doo-hwan (전두환). De nombreux mouvement populaires s’élèvent dans la péninsule pour lutter contre son régime despotique – le plus tristement célèbre étant le Soulèvement de Gwangju (mai 1980) qui se termina par une répression violente et meurtrière. Ces mouvements étudiants se trouvent symbolisés par le Grand-frère que Junho tente à tout prix de sauver. Sa mission est d’autant plus périlleuse que Junho doit sans cesse échapper à la surveillance des policiers.

Perdu entre les tourments de ses compagnons de route et les bouleversements politiques de son pays, Junho cherche à comprendre le sens de cette traversée. « Comme des chameaux traversant le désert, nous avançons lentement, sans relâche. Quel autre choix avons-nous ? » (p.271)


Traversée de l’été
JEONG You-jeong
Traduit du coréen par CHOI Kyungran et Bessora
Matin Calme, 351 pages, 14,90€

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.